3 avril 2010

Le printemps n'existe pas


Ils sont bien braves ces crocus. Leurs hampes florales étaient prêtes depuis presque deux semaines. Puis il y a eu beaucoup de pluie, de la neige, un moins 17 cette semaine et maintenant 26°.

C’est que le printemps québécois n’existe pas. La chose est connue depuis depuis longtemps : Voici ce qu’en disait Pierre Boucher dans son Histoire Véritable et Natvrelle des Mœvrs et et Prodvctions de la Novvelle France parue en 1664 :

Puisque ie suis tombé sur l'Hyuer, ie diray vn petit mot en passant des saisons : on n'en compte proprement que deux, car nous passons tout d'vn coup d'vn grand froid à vn grand chaud, et d'vn grand chaud à vn grand froid ; c'est pourquoy on ne parle que par Hyuer et Esté. L'Hyuer commence incontinent après la Toussaints ; c'est à dire les gelées et quelque tems après les neiges viennent, qui demeurent sur la terre, iusques enuiron le quinzième d'Avril pour l'ordinaire : car quelques fois elles sont fondues plus tost, quelques fois aussi plus tard ; mais d'ordinaire c'est dans le seizième que. la terre se trouve libre et en estât de pousser les plantes et d'estre labourée.

Dés le commencement de May, les chaleurs sont extrêmement grandes, et on ne diroit pas que nous sortons d'vn grand Hyuer : cela fait que tout auance, et que l'on void en moins de rien la terre parée d'vn beau verd ; et en effet, cela est admirable de voir que le bled qu'on seme dans la fin d'Auril, et iusques au vingtième de May, s'y recueille dans le mois de Septembre et est parfaitement beau et bon : et, ainsi, toutes les autres choses auancent à proportion ; car nous voyons que les choux pommez, qui se sement icy au commencement de May, se replantent dans le vingt ou uingt-quatrième de luin, se recueillent à la fin d'Octobre, et ont des pommes qui pezent quinze à seize liures.

Pour l'Hyuer, quoy qu'il dure cinq mois et que la terre y soit couuerte de neiges, et que pendant ce teins le froid y soit vn peu aspre, En verité, les neiges sont icy moins importunes que ne sont les boues en France. (...) Les saisons ne sont pas égales par tout le Pays : aux Trois-Riuieres, il y a prés d'vn mois moins d'Hyuer ; au Mont-Royal, enuiron six semaines ; et chez les Iroquois, il n'y a qu'enuiron vn mois d'Hyuer. Quebec, quoy que moins fauorable pour les saisons et pour l'aspect du lieu (1) qui n'a pas tant d'agrément, a, toute fois, un très-grand auantage à cause du nombre d'Habitans, et qu'il est l'abord des nauires qui viennent de France.

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Le grand géographe français Raoul Blanchard est formel : « Les charmes printaniers n'ont rien à faire ici; cette saison de renouveau est la plus désagréable de l'année. Gelées violentes, brusque dégels bourrasques de neige averses verglas se succèdent avec rapidité.» Parlant de mars: «Les cabrioles de températures sont extravagantes En mars 1938, le poste de Doucet à l'extrême Est de l'Abitibi a enregistré des extrêmes de -48°F (-43° C) et + 62° F (16 °C) un infernal mélange de tiédeur et de froids terrifiants ». Passons au mois suivant : « Or avril n'est guère mieux partagé : sa moyenne reste basse (...) et elle dissimule les sautes les plus brutales ». Et Blanchard de dire que le printemps n'existe qu'en mai. Il conclut: « Au fond, le printemps canadien est un hiver honteux. » (Blanchard, R. 1960. Le Canada-Français, Fayard, Montréal pp. 34-35)

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Il faut admettre que l'hiver peureux qu'on a eu s'est peut-être en allé. Tout est question d'oscillation Nord Atlantique, d'anticyclone des Bermudes et d'El Nino, évidemment. Le jardinier lui profite du temps doux qui passe pour désencabanner le jardin. Que ça fait plaisir de jouer dans la terre, de mieux connaître ce jardin que ma locataire en allée a créé. Je vais le mettre tranquillement à ma main, connaître les plantes une à une, les bichonner et ne pas oublier de les regarder souvent et longtemps.

Et note à Laurent si en profiter pendant que ça passe est peut être du vieux fond catho, c’est avant tout climatologique.


(1) Premier cas de dénigrement de la belle ville de Québec, on y remédiera en faisant appel à Jean Talon. Heureusement son CV n’était pas trafiqué. Louis XIV savait choisir ses consultants.

2 commentaires:

Gérald a dit...

La Rapaillerie est partie avec l'arrivée des crocus. Et l'Intendant Labeaume va sans doute nous en réserver d'autres. D'ici là, vaut mieux prendre l'air ! :)

magoua a dit...

Sans connaître votre bon maire il m'apparaît plus près du gouverneur Frontenac reconnu pour ses coups de gueules que du bon Talaon. Et effectivement je retourne au jardin illico