25 février 2007

Les techniciens

Il fait un beau soleil d’hiver ce matin, on sent que le grand frette du dernier mois s’effrite un peu. Semaine très chaotique et fatigante : je fais une suppléance au cégep qui m’ajoute quatre cours par semaine et, comme toujours, à chaque fois c’est une adaptation difficile, d’autant plus que la coordination avec la personne que je remplace a pris du temps à se faire. J’ai d’ailleurs donné le pire cours de ma vie à un groupe qui avait déjà vu la matière. La prochaine semaine sera meilleure, j’ai rencontré la personne que je remplace et on sait mieux où on s’en va. Mais pas la durée du remplacement. Normal, dans les circonstances.

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La campagne québécoise a officiellement débuté. Rien de très excitant cette semaine, on sent que ça commence mollo. Parmi les choses à surveiller, il y a l’imprévisibilité de l’électorat, moins fidèle qu’autrefois et plus facilement balloté par la couverture médiatique. Et comme les journalistes ont l’esprit de meute, il suffit d’un incident trop grossi pour que l’opinion bascule. Sous cet angle, disons que Boisclair est plus à risque, d’autant que la presse a reniflé en lui une certaine insécurité et que le PQ a toujours excellé dans les divisions internes. Cela dit, le gouvernement de Charest a lui aussi été fertile en gaffes, alors il n’est pas exclu qu’il trébuche.

On l’a souvent dit, les trois chefs ont une chose en commun : ce sont des politiciens professionnels qui n’ont jamais rien fait d’autre ou presque. À cet égard, c’est un peu inquiétant. Je suis à lire Le Bluff technologique de Jacques Ellul, où il poursuit sa critique de la raison technocratique. Il constate que la sphère politique est devenue plus étroite, soumise qu’elle est à la rationalité des experts qui par définition ont raison. S’en suit la constitution d’une sorte d’aristocratie des décideurs où la référence ne devient plus une vision mais un raison inéluctable conforme au discours administratif ambiant : « un signe évident, purement externe, de cette décadence de la démocratie classique, c’est la nullité générale de tous nos hommes politiques dans leur usage de la parole : Leurs discours ne disent rien, et ils sont incapables de ‘faire passer’ un discours». Pensez à la langue de bois de Boisclair, à la démagogie bonhomme et vide de Charest, aux formules creuses des clips de Dumont. Trois techniques de discours taillées sur mesure pour le système médiatique ou bureaucratique ambiant. En ce sens, l’enjeu de la souveraineté québécoise nous permet d’éviter le vide complet du discours technique. À terme, c’est ce qui pourra mettre du piquant à la campagne.

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J’aime toujours lire le blogue d’Auger dans La Presse, c’est un journaliste aguerri, cultivé, drôle, parfois cynique mais toujours profondément respectueux de la démocratie et des acteurs qui l’incarnent. J’ai bien aimé son compte rendu du lancement sherbrookois de la campagne de Charest devant une salle à moitié vide. Prétexte des organisateurs : on l’a su à la dernière minute, on n’a pas pu rejoindre notre monde. Pour ma part, je crois que l’absence de la claque libérale s’explique aisément.

Elle se reposait après avoir passé la nuit à poser les pancartes de leur candidat.

14 février 2007

Le grand stationnement

Ma rue ressemble à ça, pas une auto est passée depuis une heure

Je n’ai jamais vu ça. D’abord suspension des cours à partir de 16h à l’Université. Il neige à plein ciel, 3-4 cm d'accumulation à l’heure. Puis je prends le bus de 17h. À peine 20 minutes de retard, normal dans les circonstances. Mais 30 minutes plus tard on avait fait à peine un kilomètre et demi, tout est bloqué. L’autobus se vide, les gens continuent à pied, ce que je fais, je suis à 20 minutes de chez moi. Tout au long du trajet, rien ne bouge, les rues sont des stationnements. Certains automobilistes sont dehors à dégager leurs pare-brise en attendant que ça roule. Et pourtant, je croise presque toutes les artères principales de la ville, Galt, Belvédère, King.

Un beau cas de bouchon carabiné. Et le plus drôle, c’est que les trottoirs étaient à peu près dégagés. Beaucoup d’automobilistes audacieux ont fait des manœuvres étranges qui coupent la circulation et évidemment les charrues, dépanneuses, autos de flics sont elles aussi immobilisées. Jamais vu autant de monde sur les trottoirs, l’air un peu amusés.

Une heure plus tard, rien n’a bougé non plus. Le chum qui vient chercher ma nièce pour la Saint-Valentin a fait 5oo m en 30 minutes.

La ville est figée, congé demain ?

Possible, le vent se lève.


10 février 2007

Propos électoraux

Élections en vue au Québec. La partie s’annonce intéressante. La seule chose sûre, on peut s’attendre à des dérapages médiatiques nombreux. À du moutonnement aussi. Les médias sont-ils devenus les territoires de campagne? Ils sont et créent aussi la rumeur. Un facteur assez chaotique, finalement. Et une élection, c’est une période fragile dans toute démocratie. Pour le moment, on souhaiterait presque un gouvernement minoritaire, ce qui ne s’est pas vu depuis au moins 100 ans au Québec.

Peut-on le voir ?

Nul doute que le petit Dumont surfe sur son populisme – est-ce qu’il a déjà agi autrement ? – Donnons-lui peut-être une quinzaine de comtés à Québec et en région (vingt ?). Il en prendra probablement autant aux libéraux qu’au PQ. Probable érosion de la députation libérale dans les couronnes Nord et Sud de Montréal, qui avaient été détournées du PQ pour cause de fusions, seuls gains péquistes faciles. La gauche verte ou solidaire peut nuire au PQ chez les insulaires Montréalais, mais je me demande parfois si elle n’ira pas chercher un peu du vote anglophone et ethnique de gauche, libéral par dépit ? Il y a bien des comtés chauds dans l’Est de Montréal.

Évidemment, Charest sera coriace, il a fait moins de gaffes ces derniers temps et les chèques sont dans la malle. Dumont peut lui être un bon adversaire : il sait autant, sinon mieux, être démagogue. Boisclair peut également surprendre : j’aime bien la version rose de son programme, et bon, mon vote est acquis dans son cas. Il doit incarner l’espoir, ce qui n’est pas une mince affaire. Un gros contrat.


Cette campagne sera aussi référendaire. Ici les positions sont claires : Jamais pour Charest, peut-être mais pas maintenant chez Dumont et bientôt pour Boisclair. Les québécois seront-ils assez pissous pour voter Dumont ? Des fois, je me le demande. Assez pour considérer un gouvernement minoritaire.

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Et avant que tous les journalistes, experts, commentateurs, politologues patentés, ex-politiciens et autres médiatiques ne vous le disent : tout peut arriver.

Ce qui est une manière de ne rien dire.

5 février 2007

Le déclin (ou le regain) des empires

Ce qu’il y de bien à préparer des cours, c’est de tomber sur des choses intéressantes à voir et à connaitre. Par exemple le CÉRIUM, Centre d’études et de recherches internationales de l’U. de M. a une riche vidéothèque de conférences universitaires sur les sujets idoines.

J’ai regardé hier celle d’un de mes gourous Immanuel Wallerstein qui y va de ses considérations sur le déclin de l’empire américain. Ce déclin, amorcé depuis les années 1970 aurait été accéléré par abruptement par George W. et les néocons. Analyse évidemment prévisible de la part de ce vieux marxiste, mais qui donne à réfléchir. J’aime ce genre de grandes perspectives. Elles sont sombres dans son cas. Ce déclin est inéluctable et source d'agitation. Pas fiables les voisins ?

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Autre site revu cette année, celui du président de l’Inde. Il faut savoir qu’en Inde le rôle du président est, en gros, celui d’un gouverneur général de dominion, c'est-à-dire le même que Betty, la cheffe du chef du Canada (fig 1) et du Royaume-Uni, dont le père était empereur des Indes et son grand-oncle vice-roi. Comme quoi la délocalisation des emplois, même qualifiés, n’est pas nouvelle.


Fig 1 : On trouve cette mention sur toutes les photos aériennes fédérales.
Ça n'a pas rapport, mais c'est curieux non ? Est-ce un accommodement ?


Donc, un rôle politique essentiellement décoratif. Par contre, le président indien a au moins le mérite d’être élu par les chambres nationales et provinciales et non d’être choisi par le premier ministre pour des raisons médiatiques ou de traditions familiales. Et cet Abdul Lakam est un curieux de président. Il a lancé le domaine spatial en Inde, en plus de coordonner la recherche sur les missiles et la bombe indienne.

Qui me connaît sait que je n’aime pas ce genre de CV. Et pourtant, j’aime l’étrangeté de cet homme. Musulman qui cite les védas, végétarien, célibataire par vœu, il a comme ambition personnelle de faire de l’Inde un pays développé d’ici 2020, en éradiquant la pauvreté par l’éducation, la science et la technologie. Ce qui s’appelle une vision. J’aime ce site.

Naïf ? Peut-être. Mais allez-donc voir celui du Nouveau Gouvernement du Canada.

Ça craint.

Déclin disions-nous ?