30 juillet 2006

cours et décours

Depuis une semaine ou deux on entend parfois des cigales se plaindre, hier soir j’ai remarqué pour la première fois que les grillons chantaient la nuit, les verges d’ors commencent à fleurir et pour la première fois depuis longtemps, on endure une laine à l’heure de l’apéro. C’est le décours de l’été.

Belle journée à gosser au jardin et à poursuivre le chantier du déménagement de mon bureau vers une nouvelle pièce pour faire place à ma nièce de coloc. L’embêtant quand je fais ce genre d’opération c’est que j’y redécouvre des bouquins que j’avais oublié de lire ou de relire.

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Ainsi j’ai passé quelques heures à pagayer sur l’Orénoque avec Alexandre de Humboldt. À traverser les Andes aussi. À conspuer l’esclavagisme et le sort des incas déchus tout en soupesant la possibilité que l’Amérique espagnole de l’époque devienne indépendante. Un grand homme ce Humboldt. Probablement un des derniers savants universels, à la fois géologue, arpenteur, physicien, astronome, botaniste, linguiste, ethnographe, pour tout dire un premier géographe scientifique ?


Je ne ferai pas sa biographie complète ici, on en trouvera une là. Mais c’est un homme étonnant pour l’époque. Chambellan et noble de Prusse il a passé une bonne partie de sa vie à Paris, sympathisant républicain, méfiant de Empire, déçu de la restauration navré du conservatisme prussien à son retour à Berlin. À 80 ans il sera des funérailles des révolutionnaires allemands de 1848, trop considérable savant pour être inquiété par le régime.


Heureuse époque où ses conférences publiques étaient aussi courues que les concerts de Madonna aujourd’hui. Il recevait des centaines de lettres chaque jour de savants, de curieux ou d’admirateurs. Redoutable capacité de travail pour mener tout ça de front. Célibataire toute sa vie, on croit maintenant savoir qu’il était homosexuel. Sa famille a détruit une bonne partie de sa correspondance trop personnelle, mais j’ai lu de lui une lettre enflammée adressée à son grand amour de jeunesse qui se mariait avec une dame. On connaît bien des exemples de gais dans l’histoire mais rares sont ceux qui n’étaient pas dans les arts et lettres. Un modèle de vie universel, en tout cas.

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À l'épicerie libanaise où j’achète mon pain, partout des affichettes remerciant les gens de bien vouloir donner à la croix rouge. Au dos d’une d’entre elles, quelqu’un avait écrit au proprio qu’on pensait à lui (il est retenu là bas). C’est un coin du monde où les pensées sont moins dangereuses que les prières, mais tout aussi inefficaces. On y sème et engraisse la haine comme s’il s’agissait de gagner un prix à une foire agricole. Méthodiquement. En négligeant qu’à la fin on crée des monstres.

26 juillet 2006

Pétition Liban

Je reprends ici le lien vers le site de la pétition (fort modérée dans les termes) demandant au gouvernement canadien d'intervenir pour faire cesser le massacre au Liban.

Merci à Monsieur Bachand de me l'avoir signalée en commentaire.

24 juillet 2006

Comptabilité

On lit ceci sur le site de Radio Canada :

«Depuis le début de l'intervention israélienne, 319 civils et 26 militaires libanais ont été tués, pour la vaste majorité lors de bombardements. Du côté israélien, 17 civils et 22 militaires ont été tués.»

Et notre crétin de premier ministre plus bushiste que Bush trouve toujours la riposte modérée ?

Cette histoire libanaise est trop triste pour en faire une récupération politique, mais n’empêche qu’encore une fois elle montre la différence québécoise en matière de relations internationales, si on se fie à ce sondage :

«Deux Québécois sur trois (67 pour cent) condamnent la position de Stephen Harper qui appuie l'intervention armée d'Israël au Liban, tandis que 48 pour cent des Canadiens y sont défavorables.»

Même à Québec ?

22 juillet 2006

Jardin mutin

Il pousse des choses étranges dans mon jardin :

Quand on vous dit que la nature est fertile...

En fait, il s'agit d'un champignon (bien) nommé Satyre des chiens ou Mutinus caninus, du genre ( très bien nommé) Phallus, de la famille des Phallacea laquelle appartient à l'ordre des Phallales, comme je l'apprends dans cette page d'un mycologue amateur. Le Phallus impudicus est plus explicite encore.

Il poussait hier dans le bois assez pourri qui retient le sol autout du patio.

C'est un champignon immangeable et qui sent mauvais, ce qui attire les mouches à marde (Musca coprophilla ?) qui en butinent (?) le gland (?).

Au jour d'aujourd'hui il est débandé euh... non... fané. Mettons.

20 juillet 2006

de lacs en lacs

Quelques jours de visites d’amis. Avec Jean-François, nous avons passé les derniers jours caniculaires à tester les rares plages publiques des lacs du coin. La plus belle est sûrement celle-ci sur le bord du très chic Memphrémagog.

C’est un endroit peu connu, don d’un notable local dont la grande gloire est d’avoir traduit le chant patriotique canadien français qu’était O Canada en hymne national canadian. C’est peut être une des plus belles traditions anglo-américaines que ces legs généreux aux municipalités. Si bien que ce vaste terrain est accessible gratuitement à qui veut s’y baigner, y camper ou mettre à l’eau une embarcation. Je reste volontairement vague sur l’emplacement précis de cette rare plage accessible sur le Memphré pour éviter les foules à cet endroit magique. Toutefois, je suis prêt à en donner la direction à toute personne qui veut bien m’y reconduire, je connais d’ailleurs les plus beaux chemins pour s’y rendre.

On est allé aussi au lac Brompton. Belle plage mais il y a foule en ce dimanche caniculaire.

En prenant le chemin de Saint-Georges de Windsor on tombe sur ceci :

C’est un observatoire vachement bien. Et toujours venteux ce qui est chouette quand il fait 32 à l’ombre. On est arrêté au village visiter son église assez remarquable par ses sculptures. Malheureusement le toit coule, les fondations se désagrègent et pour avoir accès aux subventions du patrimoine religieux ce petit village de 300 habitants doit amasser 300 000$. Si bien qu’on y tient tous les dimanches un marché aux puces dans le presbytère vide où les dames de la paroisse y vendent aussi leur artisanat local à des prix ridicules : deux dollars pour une paire de mitaines tricotées main, c’est pas cher, si bien qu’on laisse cinq pour la cause. Avis aux amateurs d’économies et de patrimoine. Et en plus à la fromagerie locale on trouve un cheddar non pressé tellement frais qu’il se compare au Bocconcini.

De beaux et rafraîchissants tours de machine.

12 juillet 2006

Journal extrême

Journées chaudes, pour la première fois de l’été, arrosage matinal du jardin, c’est dire. Temps chaud du cœur de l’été. Propice à des lectures toujours sulfureuses. Je suis retombé dans la lecture du Journal de Jean-Pierre Guay. C’est un cas.

J’en avais dévoré une grande part l’hiver dernier puis suis passé à d’autres choses sans écrire le billet que je voulais. Et voilà que j’ai trouvé trois tomes que je n’avais pas lus, à 1$ pièce, chez François Coté. Plus de mille pages qui ne couvrent même pas deux ans de sa vie. Deux jours de lectures pigrassantes fort agréables.

C’est l’œuvre d’un écrivain qui renonce à la littérature mais pas à écrire. Ni au grand bluff littéraire. Dans les six premiers livres de son journal, cet ancien président de l’Uneq règle son compte au non-Québec, à sa langue qui recule et à sa non-littérature, surtout quand elle poétise. C’est un brasseur de marde me disait un littéraire institutionnel. Voire.

Il raconte tout. Les vacheries entre collègues et amis. Le système des administrateurs, professeurs, universitaires, journaleux, écrivains bien vus de la littéraklatura québécoise. La réalité des jury qui doivent financer 240 000$ de demandes de bourses avec 40 000$ de budget (Cas récent, dont on ne parle pas, multipliez par 100 pour la télé ou le cinéma, dont on parle). Toutes choses qui ne se disent pas mais qui sont la mécanique même des petites cultures subventionnées comme la nôtre. Et encore, tout monde rêve ici des standards européens, bien plus élevés que ceux de la pingre Nord-Américanie. C’est vrai qu’il s’agit de petites cultures en péril comme celles de la France, de l’Allemagne ou du Royaume-Uni (dont nous ne sommes pas tout à fait séparés).

Je comprends qu’on ait détesté Jean-Pierre Guay. Sa vie étant devenue son œuvre, il raconte tout. Il est chum avec Marie-Andrée, la blonde à Gaston (Miron). Déteste Michèle (Lalonde) ou Yves (Beauchemin) collègues de l’UNEQ. Conchie Jean (Royer) alors promoteur littéraire au Devoir, a des tendresses pour Réginald (Martel), toujours à la grosse Presse. Dégonfle les ministres responsables des dossiers. Ne nous épargne rien des douleurs éditoriales de Pierre Tisseyre (CLF) son vénérable et fédéraliste éditeur. S’épanche sur le triste sort de l’écrivain qui attend son livre et se désole ensuite de sa mévente. Il retranscrit ses critiques, sa correspondance, ses conversations téléphoniques et même les sujets, éditeurs et imprimeurs des nombreuses cartes postales qu’il envoie à tout ce beau monde.

On lui a reproché de rendre public ce qui est privé. Question qui ne s’est jamais posée dans la blogosphère, évidemment. Il a d’ailleurs fini par se brouiller avec bien des gens, si je comprends bien. Guay met fin à la première période de son journal en 1988. Sur une lettre de refus de demande de bourse. La même qui circulait alors qu’il travaillait au ministère quinze ans plus tôt.

Le texte de cette redoutable lettre n’a pas grandement changé, quinze ans plus tard (on m’en a fait lire une, il y deux ou trois ans). Les institutions un peu, les budgets ont augmenté, un peu aussi, mais moins que la demande, elle. (En télé, en cinéma, à l’université même, rien, je me tais)


Depuis sa période Tisseyre, Guay a repris la publication de son journal aux Herbes Rouges. Une première série plus personnelle couvre la période 1992-1994. Après un revers financier, écarté un peu plus des ses relations littéraires Guay plonge dans ses rêves, ses prières ou ses chiens à Château Richer. Il y a des trésors dans son naufrage. Puis, en 1999, on le retrouve dans un sous-sol de Beauport asticoté par le Béesse. Plus détaché, drôle encore. Description crue de la vie ordinaire des écrivains purs et durs de la littérature québécoise qui font vivre tout un monde périphérique et qui crèvent. Question cruelle : quelle est la différence de salaire entre un animateur télé, un prof de littérature et un écrivain ? Réponse synergétique.


Guay est attachant, enfant, désespérant, redondant, souvent touchant, parfois agaçant et on y revient toujours. Comme bien des blogueurs. Comme tous ceux dont on lit les journaux, de Montaigne, Saint-Simon à Renaud Camus ou Julien Green. Il m’a donné le goût de lire Léautaud et aussi, parce qu’il le fait trop bien, d’écrire mieux.

C’est déjà ça.


P.S. D’ordinaire, je déteste les parenthèses, mais à lire Guay, on ne peut s’en empêcher. Par contre, il m’a confirmé dans le renoncement aux trois points. Pas encore au point d’interrogation?

9 juillet 2006

lectures sulfureuses

Ce soir j’écris coupé du monde. Des écouteurs sur la tête. Mais devant le jardin.

Dans un lot de bouquins à 1$ trouvé un livre au titre étrange : L’avenir de l’intelligence, d’un auteur infréquentable : Charles Maurras.


Le style est évidemment dépassé, grandiloquent mais tout de même efficace. Sa rhétorique ressemble parfois à celle du chanoine Groulx. Ses idées sont évidemment royalistes nationalistes conservatrices et plus que douteuses. Le pouvoir suprême par les liens du sang contre celui de l’opinion, ça n’est pa une bonne idée. Sauf chez les Bush ou les Kennedy.

J’y trouve des phrases curieuses : « Mais le principal avantage que trouve l’Argent à subventionner ses ennemis déclarés provient de ce que l’Intelligence révolutionnaire sort merveilleusement avilie de ce marché. Elle y perd sa seule source d’autorité, son honneur : du même coup, ses vertueuses protestations retombent à plat. » Tout ça me fait penser aux mésaventures récentes d’un certain quotidien français. Et sera vraisemblablement réécrit ici.

Cela dit c’est une pensée qui a été influente au Québec, et cette curiosité qui me l'a fait lire. On sait que Trudeau et bien des intellectuels de sa génération y ont été sensibles. Dans le contexte catholico national du des collèges classiques des années trente cela se comprend. Mais bon. On en est heureusement revenus depuis.

1 juillet 2006

Le retour du magoua

Le magoua est de retour. De quelques jours autour de Montréal, dont un tour de machine sur le bord de la rivière Châteauguay. De retour de jardinage aussi. De retour au blogue maintenant. Somme toute de retour de vacances.

***

C’est le jour du Canada day. Jusqu’à maintenant je n’ai vu qu’un gars se balader en auto avec un drapeau brésilien, ce qui est de mauvais augure pour la France. Quelques déménagements dans le quartier aussi. Et sans doute il y aura une fête vaguement suivie au Lac des Nations. Je suis rassuré d’ailleurs. Malgré le changement de gouvernement, le Québec a eu encore une fois la moitié du budget de l’anniversaire de la confédération. Ce qui donne une idée de l’enthousiasme spontané local.

On fête quoi d’ailleurs ? Un accord de rationalisation de la gestion des colonies britanniques de l’Amérique du Nord, un acte du parlement britannique. On attendra 1930 avant d’avoir un droit de relations internationales autonomes. Et 1982 avant que cette loi britannique ne devienne une constitution locale, adoptée sans l’accord du Québec.

Il faut lire le discours merveilleux de l’ineffable Stéphane Dion dans le Devoir d’aujourd’hui. Il affirme que le risque d’assimilation des francophones a disparu. C’est vrai que dans son super Canada les francophones de Winnipeg vivent tous les jours en français. S’ils ne sortent pas. Il dit aussi que le Canada est autre chose qu’un accord fiscal. Il a raison.

Le Canada est un contrat auquel il manque des signatures. Celles du Québec et des Amérindiens.