31 octobre 2009

Un certain général

Je suis à lire les mémoires du Général de Gaulle. Sur la valeur littéraire de l’objet, pas grand chose à dire sinon l’impression qu’il a trop lu Jules César. Non pas qu’il écrive mal, au contraire, il ne renonce jamais à un imparfait du subjonctif. On a l’impression de lire un devoir militaire excellemment rédigé. Il y parle souvent plus du personnage que de lui-même. Souvent à la troisième personne du singulier. N’incarne pas la France qui veut.


N’empêche que son récit de la prise du pouvoir en 1958 et celui de la guerre d’Algérie montrent bien son système, celui d’incarner une nation ancienne dont la royauté est devenue graduellement élective au XIXe siècle. En ce sens, son dédain du parlementarisme ne le place pas si loin des prérogatives royales du système britannique, à cette exception qu’il règne et gouverne. Il est à la fois au dessus de la mêlée et acteur. Non qu’il méprise le parlement mais bien parce qu’au fond il s’agit pour lui d’une intendance. La France qu’il incarne regarde au loin. Il en tient le gouvernail.


D’où le service après-vente auprès des français du Canada. On vous lâche en 1763, reprenons-nous 200 ans plus tard. D’où le mot qu’on sait en 1967. Ce qu’on sait moins, c’est qu’il en a remis une couche quelques mois plus tard.




Sur la forme, on remarquera qu’on est loin du clip programmé, même si la question est visiblement plantée et l’exposé préparé. Belle époque où on pouvait conclure une allocution en citant Valéry. C’est qu’on aime bien de Gaulle finalement ici, même si on sourira toujours à se faire traiter de français du Canada. Mais bon depuis Montcalm, les généraux français font sourire.


Nous ne sommes plus tellement français finalement. Mais quand même, cette quête de chefs qu’ont été Mercier, Duplessis, Lévesque ou Bouchard n'est-elle pas la même que celle que cherchent souvent les français à travers les Bonaparte, Clémenceau ou Blum? C’est ce qui sert d’argument de vente à tous les présidents français depuis de Gaulle. À se demander même si derrière le discours des démagogues de droite américanophiles à la Jeff Filion, il n’y a pas ce vieux trait français de se trouver des chefs forts pour mieux chialer contre eux. Et l’histoire de l’Irak montre bien que nous ne sommes pas non plus inféodés aux voisins du Sud ou du Canada. Un vieux coté râleur peut-être.


J’aime bien de Gaulle.

Il est dépassé, Lévesque l’a bien démontré.


Mais il a osé dire ce que bien des québécois se refusent encore à comprendre.

Et j’y pense, il ne s’agit pas tellement de compréhension que de savoir tirer des conclusions.


En ce sens, nous sommes restés britanniques.

26 octobre 2009

Un anniversaire

Cinq ans de blogue. Ouvrons donc une bouteille de Mouton-Cadet, vin standard compatible aux lundis. Revoyons les archives lointaines.


Relisant ce que j’ai écrit, je constate que j’oublie trop souvent de parler de mes lectures ou de mes explorations banales. Je lis moins de littérature et j’explore moins, c’est vrai. Il y a cinq ans j’étais un simple chargé de trop peu de cours et me voici à temps très plein au cégep et à l’université. Et sur le fond ? Je ne regrette rien.


C’est que je comprends qu’outre ma paresse naturelle, j’ai dit beaucoup de choses et qu’il est bien normal de ne pas trop vouloir se répéter. Pourquoi redire que Charest navigue à vue sans ambition autre que de se maintenir ? Que les médias reflètent l’insignifiance d’une époque perpétuellement adolescente et nombriliste ?


À quoi sert de rappeler que le sens du monde est de le regarder simplement, d’essayer de le comprendre, d'y vivre et de l’aimer ?


C'est trop essentiel et je pense que c’est pour ça que je blogue.

Et que je continuerai.


Un gros merci à tous ceux et celles qui me lisent et qui commentent, à Carole, la première, à Gérald, à Laurent, à Éric et les autres, merci aussi à tous les silencieux qui ne font que passer, j'espère avoir été à la hauteur.

24 octobre 2009

Se faire piquer ou pas ?

Dans mon cas, je ne me pose même pas la question. C’est que depuis mon infarctus il y a 10 ans je suis officiellement personne à risque. Alors quand j’y pense et que ça adonne, je me fais vacciner contre la grippe. Cette année, il en a en a une nouvelle et améliorée, alors raison de plus. Et comme me disait tantôt ma vieille infirmière de mère, si ils font des vaccins, c’est pas pour rien.


Pourtant je suis vraiment estomaqué de voir autour de moi des gens instruits, sérieux se méfier du vaccin. Tout y passe. Le vaccin n’a pas été suffisamment testé, c’est un complot des grosses pharmaceutiques pour se faire du fric et tout le reste. Cela ne m’étonne pas tellement. Un diplôme n’est pas nécessairement signe de gros bon sens. Pensons aux gogos qui suivent Rael ou qui étaient membres de l’ordre du temple solaire. Ils n’étaient pas particulièrement sous-scolarisés. Lisez cette belle enquête des sceptiques du Québec là dessus.


Source : Banq

Manif anti-vaccination à l'Hôtel de Ville de Montréal en 1878. Le sujet serait différent aujourd'hui.


Cette peur du vaccin est irrationnelle. Probablement caricaturée par les médias qui pour balancer les opinions accordent trop d’importance aux anti, même s’ils sont minoritaires. Sans compter que les journalistes compétents en sciences sont l’exception. (Être méchant, je dirais que les journalistes sont plus ardents à avancer leur carrière qu’à comprendre ce dont ils parlent). On oublie que grâce aux vaccins, la variole a disparu. La tuberculose, la polio, la rougeole ne sont plus ce qu’elles étaient.


Pourtant cela fait peur. Et le plus ironique, c’est que les collègues anti vaccin grippal ne rechignent jamais aux vaccins tropicaux s’ils vont dans les pays pauvres.


Il est vrai que les pauvres sont plus dangereux.


17 octobre 2009

Une histoire de soumissions

Le reportage de Radio Canada sur la collusion et les gonflements de prix dans le secteur de la construction a au moins un mérite: celui de me faire oublier que la presse nord américaine a passé un après-midi complet à suivre un ballon vide, le sort d'un enfant de six ans étant plus inquiétant que celui d'un milliard d'êtres humains affamés.

***

Ce bon coup de l'émission Enquête m'a ramené un soir d'été de la fin des années 70. Il était tard et je devais lire quand mon père arrive de bien mauvaise humeur.
- Salut p'pa ca va ?
- Ah parles-moi en pas on s'est encore faite framer sur des soumissions.

***

Mon père était ingénieur municipal. Il avait mené une belle carrière au service de notre petite ville de banlieue, détournant une autoroute qui devait passer dans le fleuve et massacrer les berges, implantant les premières pistes cyclables de la région de Montréal parce qu'un enfant à vélo s'était fait frapper par une auto. Le genre à mettre poliment et fermement dehors les spéculateurs qui arrivaient dans son bureau avec des enveloppes pleines d'argent.

Il avait quitté abruptement cet emploi qu'il aimait parce qu'il était en désaccord profond avec les décisions du nouveau maire de l'époque. Étant connu dans son domaine il s'était recasé rapidement dans un bureau d'ingénieurs conseils de Laval. C'était loin de la Rive Sud, mais bon il préférait travailler dans une petite boîte et changer de milieu. Mal lui en avait pris.

***

Mon père s'est servi un scotch et m'a expliqué ce que c'était, se faire framer des soumissions: les entrepreneurs qui répondent à un appel d'offres public s'entendent pour faire monter les prix bien au delà des prévisions et des coùts habituels. Le projet étant souvent vital, la municipalité n'a pas tellement le choix que d'avaler la couleuvre ou de revoir le projet, ce qui retarde énormément les choses. Et pour cette petite municipalité de la couronne Nord le million de surplus sur un contrat qui en valait trois faisait de la couleuvre un boa. J'avais rarement vu mon père aussi choqué.

Il n'était pas assez naïf pour ne pas connaître ces petits jeux et savait jouer les petits entrepreneurs contre le monopole des gros. Il connaissait bien les petites pratiques mafieuses de la Rive-Sud, notamment dans la gestion des déchets toxiques des raffineries de Montréal qui s'y retrouvaient dans des dépotoirs inadéquats. L'un d'eux avait contesté son expropriation jusqu'en Cour suprême. Mais, me disait-il, ce sont des amateurs comparé aux requins de Laval et de la Couronne Nord. Et de se demander s'il n'y avait pas une passe croche derrière tous les lampadaires de Laval.

On comprendra donc que je n'aie pas été étonné de cette histoire. Et à jaser avec des amis, à écouter la radio, on se rend compte que tout le monde en a une à conter. Fausser la concurrence pour faire plus de sous n'est pas nouveau.

Cela s'appelle le capitalisme.

Et à coté des banquiers de Wall Street, les mafieux de la construction sont des amateurs.

6 octobre 2009

Un peu de mambo

Quand j'étais vraiment jeune, cinq ou six ans, j'étais tombé en amour avec un disque de mes matantes: du mambo de Perez Prado. C'était à la mode à Victo bien avant tous les world beat de la planète. Du temps de la grande noirceur du Québec mur à mur pure laine.

Refermé sur lui ?


Perez Prado- Mambo #5- Mexico - Funny blooper videos are here

J'ai toujours eu l'impression que dans les soirées torrides de Plessisville ou d'Alma, on accotait les latinos sans le savoir.

Autant que dans les versions intellos new-yokaises



Joyeusement reprises ici par cet orchestre symphonique de jeunes vénézuéliens



Il y a peut-être une ironie dans tout ça, mais Leonard Bernstein aurait probablement été ému.

1 octobre 2009

Un jour d'automne

Première vraie journée d'automne. Un jour frisquet et gris qui illumine le rouge des érables. Cet automne s'annonce plein de changements. Au boulot histoire d'éviter le ronron j'ai décidé de refaire mon cours sous le mode d'une collègue plus pédagogue que moi, plus d'ouvrage, mais ça me force à mieux comprendre les jeunes à qui je m'adresse. Pour le moment ça marche.

Faut dire qu'on a une cohorte de jeunes sérieux, attentifs et curieux. Le gardien de sécurité du pavillon me disait tantôt qu'il n'a jamais eu si peu à faire. Pas de fumeurs de joints ni d'incidents à signaler. On craint beaucoup la prochaine fournée issue de la fameuse réforme de l'enseignement. Pour ma part, à part l'arrimage des contenus, je n'ai pas tellement d'angoisses. Au delà des réformes, le contexte social ou technologique me semble plus important que les formules pédagogiques.

Quel contraste quand même avec mon temps de cégep. Les cours étaient souvent déconnectés, sans vision d'ensemble ni objectifs concrets. On fumait la cigarette dans les classes, autre chose dans le café étudiant. On comprendra que je suis plus qu'ironique quand j'entends les belles âmes s'inquiéter de la dégradation de l'enseignement. Peut-être étaient-elles trop gelées pour se souvenir du leur.


Gros changements aussi à la maison. J'habite de nouvelles pièces, me fait à mon mac tellement que je songe à éliminer mon vieil ordi windows et rebâtir mon réseau autour d'un Airport extreme et d'un mac mini. Plus important encore, je perds mes locataires, ma vieille amie graphiste/ horticultrice et son chum poète. Ils migrent pour plus grand et je les comprends. Me reste donc un 3 et demi à louer. Je ne suis pas trop pressé, un locataire compatible est plus précieux que deux ou trois mois de loyer.

Avis aux intéressés ;-)