28 novembre 2005

Louis-Edmond Hamelin cause.

Pendant que je planche sur un texte hivernal, voilà qu’un des grands géographes québécois me ramène à une réalité que j’allais oublier. Louis-Edmond Hamelin est l’un des pionniers de la géographie québécoise. Un grand homme. Un homme du Nord et du froid. Voilà que dans le Devoir de ce matin il nous y ramène. Lisez son texte, qui rappelle que dans les grands débats de cet automne québécois on a oublié les deux tiers de son territoire, trop nordiques (et amérindiens ?) pour qu’on s’en soucie.

Malgré cela, je persisterai à me centrer sur le sud qu’est l’axe laurentien, cette aire culturelle francophone des géographes américains. Tout simplement parce que mon propos s’y limite et que je connais mal le nord. Raison de plus pour que Louis-Edmond Hamelin ne nous le fasse pas oublier. Et comme je vais parler d’hiver, il est un des grands chantres de l’hiver québécois qu’on cache trop souvent et dont on oublie les beautés. Je me souviens de l’avoir entendu chanter le jeu des glaces sur le Saint-Laurent à Québec. Aux États généraux du paysage québécois, il avait d’ailleurs fait remarquer que la présentation multimédia avait à peine montré les paysages hivernaux pourtant dominants presque la moitié de l’année…

***

La session s’achève. Je corrige et me cherche du boulot. Pris une grande marche hier sous un beau soleil froid. Je m’encabane aujourd’hui. Il a verglacé, il pleut maintenant. Je me prépare un bœuf bourguignon. Il fait un temps de ragoût, mettons.

26 novembre 2005

À la recherche de l'âme québécoise (1)

Il y a longtemps que je veux écrire là dessus, à force de lire, de vivre simplement aussi ici. C’est un sujet hénaurme. Difficile à cerner et à traiter. Dans le fond, la question est simple et pourtant fondamentale. Elle part d’une prémisse évidente a priori : il existe une culture québécoise ou plus largement francophone d’Amérique, originale, différente autant de sa source européenne que de ses voisines amériquaines.

C’est une question qui a fasciné bien des intellectuels québécois depuis les débuts. Les historiens, de François-Xavier Garneau à Gérard Bouchard, les sociologues, de Léon Gérin à Fernand Dumont, les géographes bien sûr entre Émile Miller, Raoul Blanchard, Serge Courville ou Gilles Ritchot. On tant dit là-dessus…

***

Il y a quelques jours je tombais via Phersu sur une liste de cent livres qui ont marqué le Canada. Choix cruel et l’auteur du Globe and Mail admet son ignorance de la production québécoise. J’ai été quand même surpris d’y voir Maria Chapdelaine. Louis Hémon est français mais son roman, mal accepté au début par les gens du Lac Saint-Jean, est l’un des plus lu dans nos écoles. Imaginez la moitié des étudiants d’un de mes groupes l’avaient lu, c’est dire, quand on sait leur désintérêt de la lecture.

Pour ma part, je l’ai lu la première fois à 12 ans dans une édition de la collection Nelson que m’avait donné ma grand-mère. Je l’ai relu par la suite à 26 ans quand je travaillais comme guide accompagnateur de groupes de français qui font le Canada en neuf jours en voyage organisé. Le guide qui m’avait montré le boulot m’avait refilé un de ses trucs tueurs : juste avant de les reconduire à l’aéroport, il leur faisait entendre un cassette où une belle voix reprenait l’une des pages du livres, le rêve de Maria.

Ce sera donc mon introduction à cette série que j’entame. C’est à fin du livre : la mère de Maria vient de mourir, son coureur des bois François Paradis est disparu et elle se demande si elle doit épouser son prétendant urbain et vivre aux États ou se marier à son voisin et rester sur la terre.

Le rêve de Maria (extrait trouvé ici)

Clarence Gagnon (1933) illustration du roman Maria Chapdelaine

« Alors une troisième voix plus grande que les autres s'éleva dans le silence: la voix du pays de Québec, qui était à moitié un chant de femme et à moitié un sermon de prêtre.

Elle vint comme un son de cloche, comme la clameur auguste des orgues dans les églises, comme une complainte naïve et comme le cri perçant et prolongé par lequel les bûcherons s'appellent dans les bois. Car en vérité tout ce qui fait l'âme de la province tenait dans cette voix: la solennité chère du vieux culte, la douceur de la vieille langue jalousement gardée, la splendeur et la force barbare du pays neuf où une race ancienne a retrouvé son adolescence.

Elle disait:"Nous sommes venus il y a trois cents ans, et nous sommes restés...Ceux qui nous ont menés ici pourraient revenir parmi nous sans amertume et sans chagrin, car s'il est vrai que nous n'ayons guère appris, assurément nous n'avons rien oublié.

"Nous avions apporté d'outre-mer nos prières et nos chansons: elles sont toujours les mêmes. Nous avions apporté dans nos poitrines le coeur des hommes de notre pays, vaillant et vif, aussi prompt à la pitié qu'au rire, le coeur le plus humain de tous les coeurs humains: il n'a pas changé. Nous avons marqué un plan du continent nouveau, de Gaspé à Montréal, de Saint-Jean-d'Iberville à l'Ungava, en disant: Ici toutes les choses que nous avons apportées avec nous, notre culte, notre langue, nos vertus et jusqu'à nos faiblesses deviennent des choses sacrées, intangibles et qui devront demeurer jusqu'à la fin.

"Autour de nous des étrangers sont venus, qu'il nous plaît d'appeler des barbares; ils ont pris presque tout le pouvoir; ils ont acquis presque tout l'argent; mais au pays de Québec rien n'a changé. Rien ne changera, parce que nous sommes un témoignage. De nous-mêmes et de nos destinées, nous n'avons compris clairement que ce devoir-là: persister...nous maintenir. Et nous nous sommes maintenus, peut-être afin que dans plusieurs siècles encore le monde se tourne vers nous et dise: Ces gens sont d'une race qui ne sait pas mourir...Nous sommes un témoignage.

"C'est pourquoi il faut rester dans la province où nos pères sont restés, et vivre comme ils ont vécu, pour obéir au commandement inexprimé qui s'est formé dans leurs coeurs, qui a passé dans les nôtres et que nous devrons transmettre à de nombreux enfants: Au pays de Québec rien ne doit mourir et rien ne doit changer..." »

Louis Hémon (1911), Maria Chapdelaine, extrait du ch. XV.

***

Bien des choses ont changé depuis. Mais pas ce morceau d’âme je pense. Cela explique entre autres la résistance linguistique qui ressortait du sondage dont je parlais il y a quelques jours.

***

En faisant ma recherche j'ai découvert que Maria Chapdelaine été tourné par Julien Duvivier en partie au Québec en 1933 ou 1934. Madeleine Renaud en Maria et Jean Gabin en François Paradis. Je n'ose pas imaginer l'accent...

***

Prochain billet sur ce thème: l'hiver. C'est de saison. Il fait moins dix ou douze le matin depuis quelques jours, tout est blanc, j'ai pris ma première fouille sur la glace des trottoirs et on en a pour quelques mois.

20 novembre 2005

Eul frança qu'on hadjis pas

On a enfin plus de détails sur cette enquête des radios publiques francophones. Les bribes que j’en avais hier faisaient ressortir que la grande région de Québec était la moins fière de sa langue. Finalement, elle a un score assez comparable aux autres :

Si, à votre naissance, vous aviez pu choisir votre langue maternelle, laquelle auriez-vous choisie ?

(Réponses données à l'aide d'une liste)

France

Belgique

Suisse

Canada

Le Français

63

64

54,1

69,9

L'anglais

21

21

20,9

21,8

L'espagnol

5

4

6,6

3,2

L'italien

4

3

8,3

2,5

L'allemand

1

2

4,1

0,3

Le chinois

1

1

1,2

0,3

Une autre langue

4

2

4,8

0,9

Ne se prononcent pas

1

-

-

1,1

TOTAL

100

100

100

100

Néerlandais (choix proposé uniquement en Belgique)




0,3

Tiré du site de l'émission Le français qu'on aime.

Au cours de l’émission on faisait remarquer qu’au Canada les scores les plus forts étaient atteints en Acadie et dans l’Ontario francophone, comme si le sentiment de péril valorisait la langue maternelle. Belle observation qui explique l’acharnement des québécois à franciser tout ce qu’ils voient passer. On a cité l’exemple du dépanneur, night shop en belge, bazarette en France, selon la recommandation officielle, qui se prononcerait plutôt arabe du coin, en fait. On remarque que les européens sont plus ouverts à des langues autres, question de proximité. Que les wallons préfèrent autant le néelandais que le chinois en dit long sur les relations harmonieuses des communautés belges. Quant à la Suisse... la banque est cosmopolite.

Par contre, le tableau sur les pays francophones préférés est étrange :

Si vous aviez le choix, dans quel pays ou région francophones aimeriez vous vivre ?

(Réponses données à l'aide d'une liste)

France

Belgique

Suisse

Canada

La France

50

23

18,7

16,2

Le Québec

30

18

18,7

65

La Suisse romande

6

6

56,1

1,7

Un pays d'Afrique noire

5

3

2,1

0,6

La Belgique

4

48

2,7

0,2

Un pays d'Afrique du Nord

4

2

1,8

0,1

Ne se prononcent pas

1

-

-

1,6

TOTAL

100




Autres (choix proposé uniquement au Canada)




6,1

Ontario (idem)




4,3

Acadie (idem)




4,1

Tiré du site de l'émission Le français qu'on aime.

Ça fait beaucoup, 30% de français qui préfèreraient vivre au Québec. Cela dit, on ne sait pas quand a été fait le sondage mais on peut présumer que si c’était au cours des dernières semaines, l’explication coule de source. La popularité du Québec s'explique sans doute un peu par le rêve amériquain toujours un peu présent dans les esprits.

Les québécois restent nombrilistes, bien centrés sur l’Amérique, loin des vieux pays.

Plus chauvins que les français, ce qui n’est pas peu dire.

Pour ma part, je ne me vois pas parler une autre langue que le français. Je me verrais peut-être bien vivre en France ou mieux en Suisse, question d'hiver, voire à Paris dans un 4 et demi sur l'Ile Saint-Louis, mais bon, je n'ai pas gagné le grot lot du 6/49.

Advenant le cas je ne détesterait pas non plus le lac Memphrémagog ou une plage sur le bord de la mer en Acadie.

Rêvons.

19 novembre 2005

On ne s'étonne plus de rien à Québec

Un autre élément à ajouter au lourd dossier de l'étrangeté de la région de Québec.

"L'enquête révèle que 70 % des Canadiens français auraient choisi la langue de Molière comme langue première, si on leur en avait donné le choix à la naissance. Curieusement, cet engouement pour la langue française est moins prononcé dans la région de Québec, où seulement 64 % des répondants auraient choisi le français comme langue maternelle, s'ils avaient eu le choix.

Toujours à Québec, près de 32 % des adultes francophones auraient choisi l'anglais comme langue maternelle, s'ils en avaient eu le choix à la naissance. Ce goût pour l'anglais est moins prononcé chez les francophones du reste du Québec, de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick."

Pour le reste de la nouvelle : à Radio Canada


Reste à voir le score dans le reste de la francophonie diffusé demain 15h en Europe et 9h au Québec.

Et je désespère de la région de Québec, qui devrait suivre une cure de déiXisation ou encore faire dératiser ses stations de radio.

Addenda: 14h30 : 64% , c'est le même score que les belges. Doit-on en conclure que les gens de Québec sont une manière de belges ?

16 novembre 2005

Pas mort

Juste rien à dire. Le blues du mois de novembre, la session qui déjà s'achève, les corrections. Et ce temps trop doux ce matin qui m'a fait prendre une longue marche dans le vent. Je découvre Gombrovicz, un écrivain polonais assez tordu merci qui a un sens de l'humour étrange.

Et je me cherche du boulot pour cet hiver.

9 novembre 2005

L'époque loufoque

François Ricard est un de ces intellectuels québécois que j’aime bien. On l’entendait autrefois aux émissions littéraires de Radio Canada, il fait partie de ce groupe qui a longtemps tourné autour de la revue Liberté. Professeur à McGill, auteur de La génération lyrique, dont il est un bon représentant, c’est une autorité sur Gabrielle Roy et Kundera.

Voilà qu’il publie chez Boréal, dans la collection Papiers collés qu'il dirige, un recueil de ses écrits sous le titre Chroniques d’un temps loufoque. Comme de coutume dans ce genre de sport, il y a à boire et à manger. On va de la critique littéraire (Houellebec, Duteurtre, Kundera) en passant par les humeurs, l’essai plus sérieux et toujours l’humour, l’ironie ou au moins le sourire en coin.


Dans sa critique du monde actuel, on le sent très proche de Philippe Murray ou de Duteurtre. Pas surprenant d’ailleurs puisque que ces textes viennent tous de la revue L’atelier du roman, repaire de cette mouvance littéraire. En ce sens, sa critique du temps présent emprunte beaucoup à Murray, moins le style et la mauvaise foi. Par contre, il est doucement féroce quand vient le temps de passer certains de ses collègues universitaires à la moulinette.


Moi qui connaît assez bien le monde universitaire mais très peu la critique littéraire qu’on y pratique je me suis bidonné à le lire sur les grilles d’analyse qui sévissent dans son domaine. Disons que Ricard est un païen de ces approches hautement théoriques. Il aime la littérature pour ce qu’elle est, pas pour la glose qu’elle suscite. Pour lui l’œuvre est unique et si le critique doit la placer dans son contexte, elle ne se réduit pas «à la connaissance de ses déterminations (idéologiques, génériques linguistiques, sociopolitiques ». Ricard remarque que ce champ théorique débouche sur les Cultural Studies anglo-saxonnes où tout texte (BD, publicité, etc.) est aussi pertinent à étudier que Madame Bovary ou La recherche du temps perdu. Et je vous épargne la défétichisation du texte et les propos assez hallucinants sur la traduction féministe qui doit s’affirmer comme co-créatrice des œuvres traduites, quitte à les modifier.

Ricard ironise sur ces courants qui refusent à l’auteur toute préséance et glorifient le critique ou le lecteur comme co-créateur de la littérature. Sa position est on le voit assez conservatrice en somme. Elle a cependant le mérite de ramener certaines constructions universitaires à ce qu’elles sont, un discours auto congratulant de pairs qui se doivent de citer les auteurs à la mode pour percer dans le domaine.

En ce sens, cette critique m’apparaît valable dans bien des champs de la connaissance contemporaine. En géographie anglo-saxonne, point de salut hors de la postmodernité. Elle a curieusement un peu plus épargné la géographie francophone, même si le corpus des auteurs postmodenisants est essentiellement français (Derrida, Foucault, Baudrillard, etc.). Pour ma part j’ai lu ma dose géographies post-modernes. Elles ont le mérite de tenter de cerner la création des représentations du territoire que s’en font les habitants. Mais à l’usage cette approche a quelque chose de stérilisant puisqu’elle me semble donner plus de place à l’observateur qu’au territoire lui-même.


Ricard attire l’attention sur une remarque de la philosophe Hannah Arendt qui reprochait aux sciences humaines «le silence que l’expert se donne le droit d’imposer aux sujets qu’il étudie». Mi science humaine mi science physique, la géographie y a traditionnellement un peu échappé, comptant sur le terrain pour s’accomplir. Cette humilité a été son salut, dicté aussi par la difficulté de produire une théorie qui sache expliquer les paysages créés par les humains. Trop de facteurs, de particularismes sont en jeu pour qu’une théorie soit possible.

Et disons-le, ça fait longtemps que les géographes savent que les habitants d’un territoire en savent infiniment plus que lui à son sujet.


Dommage qu’on l’ait trop souvent oublié en travaillant devant les ordis.

Ricard, François (2005). Chroniques d’un temps loufoque, Boréal, Montréal, 178 p.

7 novembre 2005

Désarroi

C’est le mot qui me vient à l’esprit à lire sur ce qui se passe en France. Il me trotte dans la tête depuis que j’ai lu ce très beau commentaire de Matoo chez Sale bête et qu’il reprend sur son blogue. C’est un témoignage de terrain, bien commenté, en plus. Il y en a beaucoup d’autres...

***

Je ne connais rien des cités parisiennes, ni des ghettos des villes américaines, à peine les quartiers pauvres de Montréal, un peu mieux ceux de Sherbrooke et les rangs perdus des magouas et des chaouins. Je vois beaucoup de jeunes, mais ils ont réussi à se rendre à l’université.

Mais comment raisonner sur des choses si déraisonnables ? Un géographe regarde le territoire. Que les cités HLM soient un des échecs urbanistiques les plus patents du siècle est évident. On appelait ça la sarcellite dans les années soixante. Les new town en Grande-Bretagne, les quartiers de rénovation urbaine en Amérique. Partout les tours, le béton, les machines à habiter c’était le progrès des immeubles fonctionnels et raisonnés. Mais si peu humains et coupés de la nature. D’où ces violences urbaines endémiques.

Voire. En campagne ce n’est pas mieux. Il y a des tags dans les villages. De la délinquance aussi et des taux de suicide élevés. Peu d’emplois qualifiés. On s’y défoule en VTT en skidoo ou en bazou. Pas l’anomie des villes, mais la pesanteur du milieu. Rien de concluant pour le géographe si ce n’est l’hypothèse que dans le jeu du territoire, l’émeutier est souvent supérieur au flic parce qu’il connaît mieux le terrain. Guérillas.

Je pense qu’il est inutile de chercher un sens à ces émeutes. Il n’y en a pas. C’est une pathologie sociale. Faire brûler des autos pour passer à la télé ? Possible, on a le star académie qu’on peut et faire brûler une auto ou une école c’est manifester un problème qui n’existait pas dans les médias et qui y disparaîtra dans six mois. Pauvreté, exclusion ? Évidemment. Mais aussi désespoir. Quand on brûle une école ou un commissariat, on s’attaque à la cité et surtout à l’autorité, c’est une révolte adolescente presque. Dur d’être un ado désespéré.


Mais soyez rassurés on gérera la crise. Il y aura des plans d’action. Des interventions sur le terrain. Sans doute même des progrès réels. Plus de sécurité aussi, des caméras, des brigades d’interventions spécialisées. Et la même chose se produira. À Sao Paulo, à Détroit, à Lagos, à Séoul, à Montréal ou à Sherbrooke même. Cela se passait aussi à la Nouvelle-Orléans, à Monrovia, à Alger, à Londres, à Karachi, même à Huntingdon.


Difficile de trouver un sens à une époque qui en a si peu.

4 novembre 2005

CharlÉlie...

Petite journée tranquille à lire et à me remettre de la longue soirée d’hier. Suis allé voir CharlÉlie Couture, qui faisait sa deuxième visite en carrière à Sherbrooke. Comme la radio où je travaillais à l’époque l’avait produit il y a 16 ans, c’était l’occasion de renouer avec cet artiste curieux que j’ai toujours bien aimé. Très bon spectacle dans l’ensemble et même si je ne suis pas trop familier avec sa production récente, CharlÉlie a repris juste assez de ses classiques pour que je ne me sente pas désorienté. De jeunes musiciens new-yorkais l’accompagnent, pas de grosse mise en scène, juste de la musique solide et des classiques revisités souvent somptueusement différents.

Un pro ce CharlÉlie et comme l’ami et vieux complice radio qui m’accompagnait le connaissait un peu, on est allé le saluer dans sa loge après le spectacle. Il est toujours aussi gentil et simple, ce qui est le signe des grands dans le showbiz.


Et avec ce vieil ami on est allé prendre une bière ou deux question de se rappeler ce bon temps de la radio, de notre jeunesse folle, sans doute une des périodes les plus agréables de ma vie. Ça donne toujours le goût de refaire de la radio un des ces quatre.


Pourquoi pas ?

On ne sait jamais.

2 novembre 2005

Soyons locaux

J'avais oublié ce texte sur les élections municipales à Sherbrooke qui traîne depuis une semaine dans mon ordi. Aussi bien le passer tout de suite, les élections ont lieu dimanche...

***

Me balladant aujourd’hui dans les rues de Sherbrooke j’ai eu l’idée d’entretenir ma clientèle internationale ou insulaire montréalaise des enjeux des élections municipales de Sherbrooke. C’est un sujet passionnant qui me tient d’autant plus à cœur que j’ai toujours gardé une certaine tendresse pour ce domaine politique, par antécédents familiaux et expérience journalistique. J’ai quand même couvert le conseil municipal pendant cinq ans, au temps de ma jeunesse folle. Choix éditorial et pragmatique, l’Hôtel de ville était à cinq minutes, le journaliste piéton que j’étais pouvait donc s'y rendre facilement de son QG à la radio. C’est là d’ailleurs que j’ai appris le métier en regardant travailler les collègues. Et ils étaient bons profs.


Pour comprendre la politique municipale à Sherbrooke, il faut d’abord savoir une chose : tous les conseillers sont indépendants. Ils sont néanmoins bleus ou rouges, en gros, souverainistes ou fédéralistes. C’est ce qui détermine leurs réseaux, leurs organisations. Cela dit, sur les questions municipales on est rarement dogmatique, sauf pour les contrats de consultants* ou, plus rarement, tolérer à la mairie un incompétent, ce qui n’est pas le cas du maire actuel.


Jean Perrault est un rouge. Mais pas aveugle. L’un de mes plus beaux souvenirs du conseil c’est de l’avoir vu lever des yeux désespérés devant une niaiserie particulièrement nulle proférée par le maire (rouge) de l’époque. C’est est un sportif, champion de ski nautique en 1967, vedette locale, directeur des services sportifs du cégep de métier. Il a d’ailleurs succédé à son DG (un bleu) à la mairie. C’est un homme de terrain, facile d’approche, pragmatique, je dirais très amériquain. Comme à Sherbrooke les rouges sont d’abord charestistes, il pratique les mêmes réseaux et figure volontiers sur le stage de poodle en chef. Ils ont un Everest voire une Praxis** en commun.


Chez les bleus, on mise cette année sur Hélène Gravel, que je ne connais pas. Elle vient de la chambre de commerce, ce qui ne me semblait pas un nick à bleus a priori. Si je me fie au rusé Larochelle de La Tribune, elle a commis quelques impairs. Visiblement, son organisation ne maîtrise pas les dossiers, il lui manque le terrain nécessaire au municipal. Cela dit, les bleus sont une bonne organisation qui a tout de même ravi aux rouges le siège fédéral et évite tout triomphe éclatant à notre illustre député provincial. Elle incarne aussi le changement. Son adversaire est en poste depuis 1994, la volatilité de l’électorat peut-elle jouer ?

Cela dépend des enjeux, qu’on verra un autre jour, si vous le voulez bien.

* N’hurlez pas trop à la corruption. Les sommes en question sont une part microscopique du budget municipal. C’est du travail d’amateur si on le compare aux pratiques ordinaires de la Maison Blanche ou au financement traditionnel des partis politiques français.

** Blague très locale. Le groupe Everest, vedette de la commission Gomerey, a été fondé à Sherbrooke et il est très près de Monsieur Charest. Sa succursale locale a changé de nom et est devenue Praxis, avec à sa tête un ancien conseiller municipal et ex-chef de cabinet du maire Perrault, Jean-Yves Laflamme, lequel organise d'ailleurs sa campagne. Le monde est petit et Sherbrooke est un village. Et je vous en épargne, parce que l'ancienne adjointe de comté du député fédéral Charest (une femme admirable, en passant) était la blonde d'un des boss d'Everest à l'époque. Aujourd'hui, la blonde du boss de Praxis est chef du cabinet du maire Perrault. Mais circulez, ya rien à voir.

1 novembre 2005

Petite journée

Journée assez ordinaire. Malgré une rage de dents qui doit faire au moins 8 à l'échelle Richter réussi à donner mon cours, sans tuer personne non plus malgré le sevrage nicotinique. Rentré à pied de l'université par un temps doux exceptionnel qui rend heureux.

***

On ne parle aujourd'hui que du rapport Gomerey qui éclabousse l'ancienne gagne de libéraux. J'ai lu quelques extraits du rapport, dont ceux sur le groupe Everest, fière entreprise sherbrookoise dont la cupidité n’est somme toute pas trop détonante dans le milieu de la pub. J’ai lu aussi la section sur l’origine du programme et cette caisse noire du fonds sur l’unité nationale, à l’usage du premier ministre, mise en place sous Trudeau et fiancée à la hauteur de 50 millions par an sous Mulroney et Chrétien. On y puisera d’ailleurs en partie l’argent des commandites. Je pense qu’on a légalisé la procédure depuis mais, bon, on sera sceptique, disons.

La première partie du rapport sur le fonctionnement du gouvernement fédéral m’apparaît éminemment pédagogique. Je ne l’ai pas terminée, mais on y fait une belle leçon de gouvernement 101 en expliquant bien les limites du politique et de l’administratif, toujours un peu confuses en système britannique.

Quant aux dégâts politiques de cette affaire, ils risquent de se limiter à quelques chemises déchirées, quelques questions et séances houleuses aux Communes et des élections comme prévu en Mars, après que le gouvernement ait soigneusement promis de faire un plan d’action, bla bla bla.

Moralité : aucune. Le Canada tient trop à lui-même pour en avoir quand il est question de son intégrité territoriale.