15 décembre 2005

11 décembre 2005

On a les analphabètes qu'on mérite

Un ami m’envoie la chronique de Foglia (accès $) qui commente les résultats assez désastreux d’une enquête de Statistique-Canada sur l’alphabétisation et les compétences des adultes. Il constate que plus de la moitié des canadiens et des québécois sont incapables de trouver une information dans un texte simple et en profite pour y aller de son couplet habituel sur le retour aux bonnes vieilles méthodes, à la culture générale etc. Et évidemment bûcher au passage sur la réforme scolaire en cours.

Même si je suis de ceux qui ont un respect infini pour la culture générale et qui se lamente souvent sur son absence dans la tête des étudiants, je ne partage pas tout à fait sa conclusion. Et là-dessus l’enquête de Statcan me donne un peu raison quand on la regarde en détail. Comparons les résultats selon les groupes d’âge :

Pour interpréter ces données disons que des résultats dans les niveaux 1 et 2 de compétences témoigne de sérieuses difficultés à tirer parti des informations d’un texte alors que les nivaux supérieurs sont acceptables ou très bien. On constate bien que les 65 ans et plus au Québec sont à la queue alors que les jeunes québécois (16-25 ans) sont au contraire dans le peloton de tête. Or pourtant les 65 et plus ont bénéficié des bonnes vieilles méthodes. Bien sûr qu’en vieillissant on oublie. Mais ce qu’on néglige souvent de rappeler dans ce débat c’est que les bons vieux collèges classiques ne formaient qu’une petite élite et que jusque dans les années 1960 les bonnes vieilles méthodes produisaient 20% de gens qui ne savaient ni lire ni écrire. Ou qui l’oubliaient faute de pratique.

Est-ce à dire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Non. Les seules données sur le décrochage scolaire suffisent à inquiéter. Est-ce à dire qu’il faut revenir aux bonnes vieilles méthodes ? Non plus. Le monde a changé l’école doit suivre aussi. Comme Foglia, je regrette son tournant utilitariste. Mais je constate hélas trop souvent qu’il répond non pas tant aux dictats du marché qu’à la volonté des jeunes eux-mêmes qui ne veulent pas perdre leur temps à apprendre des choses inutiles. Alors qu’ils savent tout de la mode et des exploits sportifs.

Elle a bon dos, la réforme scolaire. Elle est certes défendue par des pédagogues jargonnants comme tous les spécialistes. Mais si, par exemple, on comprend le jargon sportif, c’est peut-être parce que les médias s’y intéressent plus qu’à l’éducation. Combien de journalistes couvrent le sport, combien l’éducation ? Et si ces journalistes qui couvrent l’éducation sont incapables de comprendre le jargon du domaine, sinon pour en rire, que penser de leur compétence ?

Je ne sais pas si la réforme en cours donnera de bons résultats. Elle aura peut-être le mérite d’obliger le monde scolaire à revoir ses pratiques, ce qui n’est pas mauvais. Mais dans un monde où le fric, la bonne bouffe, la santé et le paraître dominent je ne suis pas sûr qu’une tête bien faite serve encore à quelque chose.

En tout cas pas à gagner Star Académie.

7 décembre 2005

Récit aléatoire

Je pense que la phrase la plus écrite dans les blogues doit être : Ça fait longtemps que je n’ai rien écrit. C’est le cas aujourd’hui et dans ce blogue.

***

Vérification faite : à peine 765 occurrences dans Google, seulement 55 dans le leur outil de recherche de blogues. Mais il y a tant de variantes… Et ça me donne une idée.

***

Ca fait longtemps…

Récit aléatoire

Près de deux mois que je n'ai rien écrit...
Cela faisait bien longtemps que je n'avais pas pris le temps d'écouter ...

Ca n'est pas nouveau. C'est même fréquent. Trop fréquent peut-être.
Je
devrais sans doute le plaquer. J'ai l'impression que nous ne sommes pas fait l'un ...

Ca fait longtemps que je n'ai rien écrit mais vous savez, c'est pas vraiment comme si je n'avais que ça à faire et que je découvrais tous les jours des ...

Ça fait super longtemps que je nai rien écrit. Pourtant, j’ai prévu de parler du week-end dernier avec Olivier et le Viking Splash Tour dans Dublin. Ah ! ...

Alors voila, ça fait bientôt un mois que personne ne donne de nouvelle alors je... Voilà un bon moment que je n'ai rien écrit ici. Je fais un peu moins le ...

Ça fait un certain temps que je n'ai pas écrit, et je vous assure que ce n'est... Ça fait un bout que j'ai rien écrit, c'est que j'étais très occupée à me ...

Ca fait longtemps que je n'ai rien écrit dans mon journal et pourtant je ... Réveil - annie veut que je prenne une douche je la prends - je me fais un petit ...

Ca, c'était vrai. Mais alors pourquoi ne l'avoir fait remarqué qu'à moi et pas à la ... Plus d'un mois que je n'ai rien écrit ! je n'en reviens pas. ...

Ça fait très mal. La première fois je me le suis retourné sur mon oreiller. C'était un matin. Je dormais. Je dormais tard à cette époque-là. Je n'avais pas ...

Bon d’accord, si je compte bien cela fait 3 jours ½ que je nai rien écrit sur mon blog. Mais je vous jure que ce n’est pas par paresse ! Non c’est promis. ...

Ca fait presque 48h. On peut déjà parler de miracle, les premières 48h sans ... Voilà un bon moment que je n'ai rien écrit ici. Je fais un peu moins le ...

PS: Miss Lulu, je n'ai pas oublie que j'ai un devoir online a publier a ta ... je vais ecrire une note parce que ca fait longtemps que j'ai rien ecrit... ...

Ca fait longtemps que je n'ai rien écrit car ma vie a basculé le 31 mai dernier. Mon mari est décédé dans un accident du travail. ...

Voilà bien longtemps que je n'ai rien écrit. Le temps passe si vite. ... Il fait beau pourvu que ça dure. Il va falloir que je me décide à faire des ...

Ça fait longtemps que je n'ai rien écrit ici. J'avais des idées de choses bêtes à raconter (mon chéri aussi) mais bon, flemme. ...

Ca faisait longtemps que je n'avais pas eu aussi mal. ... En fait, je ne sais pas si je suis malade parce que je suis triste, ou triste parce que je suis ...

***

Ce récit est tout simplement le copier coller en ordre des phrases retenues par Google dans les deux premières pages résultant de la recherche de la phrase «Ça fait longtemps que je n’ai rien écrit». Étrange condensé de vie ordinaire. Expérience vaguement oulipienne à poursuivre et répandre. Exercice imaginaire : attacher une personne à chacun des énoncés.

***


Disons que les temps sont actifs. Corrigeage de fin de session, adaptation à l’hiver et recherche de boulot. J’ai postulé à un emploi d’interviewer téléphonique chez Statistique Canada. Ça regarde bien. Temps partiel, relativement bien payé pour ce genre de sport et plus noble que de vendre quelque chose. Curiosité de géographe aussi.

Et aussi question de payer l’ordinaire.

28 novembre 2005

Louis-Edmond Hamelin cause.

Pendant que je planche sur un texte hivernal, voilà qu’un des grands géographes québécois me ramène à une réalité que j’allais oublier. Louis-Edmond Hamelin est l’un des pionniers de la géographie québécoise. Un grand homme. Un homme du Nord et du froid. Voilà que dans le Devoir de ce matin il nous y ramène. Lisez son texte, qui rappelle que dans les grands débats de cet automne québécois on a oublié les deux tiers de son territoire, trop nordiques (et amérindiens ?) pour qu’on s’en soucie.

Malgré cela, je persisterai à me centrer sur le sud qu’est l’axe laurentien, cette aire culturelle francophone des géographes américains. Tout simplement parce que mon propos s’y limite et que je connais mal le nord. Raison de plus pour que Louis-Edmond Hamelin ne nous le fasse pas oublier. Et comme je vais parler d’hiver, il est un des grands chantres de l’hiver québécois qu’on cache trop souvent et dont on oublie les beautés. Je me souviens de l’avoir entendu chanter le jeu des glaces sur le Saint-Laurent à Québec. Aux États généraux du paysage québécois, il avait d’ailleurs fait remarquer que la présentation multimédia avait à peine montré les paysages hivernaux pourtant dominants presque la moitié de l’année…

***

La session s’achève. Je corrige et me cherche du boulot. Pris une grande marche hier sous un beau soleil froid. Je m’encabane aujourd’hui. Il a verglacé, il pleut maintenant. Je me prépare un bœuf bourguignon. Il fait un temps de ragoût, mettons.

26 novembre 2005

À la recherche de l'âme québécoise (1)

Il y a longtemps que je veux écrire là dessus, à force de lire, de vivre simplement aussi ici. C’est un sujet hénaurme. Difficile à cerner et à traiter. Dans le fond, la question est simple et pourtant fondamentale. Elle part d’une prémisse évidente a priori : il existe une culture québécoise ou plus largement francophone d’Amérique, originale, différente autant de sa source européenne que de ses voisines amériquaines.

C’est une question qui a fasciné bien des intellectuels québécois depuis les débuts. Les historiens, de François-Xavier Garneau à Gérard Bouchard, les sociologues, de Léon Gérin à Fernand Dumont, les géographes bien sûr entre Émile Miller, Raoul Blanchard, Serge Courville ou Gilles Ritchot. On tant dit là-dessus…

***

Il y a quelques jours je tombais via Phersu sur une liste de cent livres qui ont marqué le Canada. Choix cruel et l’auteur du Globe and Mail admet son ignorance de la production québécoise. J’ai été quand même surpris d’y voir Maria Chapdelaine. Louis Hémon est français mais son roman, mal accepté au début par les gens du Lac Saint-Jean, est l’un des plus lu dans nos écoles. Imaginez la moitié des étudiants d’un de mes groupes l’avaient lu, c’est dire, quand on sait leur désintérêt de la lecture.

Pour ma part, je l’ai lu la première fois à 12 ans dans une édition de la collection Nelson que m’avait donné ma grand-mère. Je l’ai relu par la suite à 26 ans quand je travaillais comme guide accompagnateur de groupes de français qui font le Canada en neuf jours en voyage organisé. Le guide qui m’avait montré le boulot m’avait refilé un de ses trucs tueurs : juste avant de les reconduire à l’aéroport, il leur faisait entendre un cassette où une belle voix reprenait l’une des pages du livres, le rêve de Maria.

Ce sera donc mon introduction à cette série que j’entame. C’est à fin du livre : la mère de Maria vient de mourir, son coureur des bois François Paradis est disparu et elle se demande si elle doit épouser son prétendant urbain et vivre aux États ou se marier à son voisin et rester sur la terre.

Le rêve de Maria (extrait trouvé ici)

Clarence Gagnon (1933) illustration du roman Maria Chapdelaine

« Alors une troisième voix plus grande que les autres s'éleva dans le silence: la voix du pays de Québec, qui était à moitié un chant de femme et à moitié un sermon de prêtre.

Elle vint comme un son de cloche, comme la clameur auguste des orgues dans les églises, comme une complainte naïve et comme le cri perçant et prolongé par lequel les bûcherons s'appellent dans les bois. Car en vérité tout ce qui fait l'âme de la province tenait dans cette voix: la solennité chère du vieux culte, la douceur de la vieille langue jalousement gardée, la splendeur et la force barbare du pays neuf où une race ancienne a retrouvé son adolescence.

Elle disait:"Nous sommes venus il y a trois cents ans, et nous sommes restés...Ceux qui nous ont menés ici pourraient revenir parmi nous sans amertume et sans chagrin, car s'il est vrai que nous n'ayons guère appris, assurément nous n'avons rien oublié.

"Nous avions apporté d'outre-mer nos prières et nos chansons: elles sont toujours les mêmes. Nous avions apporté dans nos poitrines le coeur des hommes de notre pays, vaillant et vif, aussi prompt à la pitié qu'au rire, le coeur le plus humain de tous les coeurs humains: il n'a pas changé. Nous avons marqué un plan du continent nouveau, de Gaspé à Montréal, de Saint-Jean-d'Iberville à l'Ungava, en disant: Ici toutes les choses que nous avons apportées avec nous, notre culte, notre langue, nos vertus et jusqu'à nos faiblesses deviennent des choses sacrées, intangibles et qui devront demeurer jusqu'à la fin.

"Autour de nous des étrangers sont venus, qu'il nous plaît d'appeler des barbares; ils ont pris presque tout le pouvoir; ils ont acquis presque tout l'argent; mais au pays de Québec rien n'a changé. Rien ne changera, parce que nous sommes un témoignage. De nous-mêmes et de nos destinées, nous n'avons compris clairement que ce devoir-là: persister...nous maintenir. Et nous nous sommes maintenus, peut-être afin que dans plusieurs siècles encore le monde se tourne vers nous et dise: Ces gens sont d'une race qui ne sait pas mourir...Nous sommes un témoignage.

"C'est pourquoi il faut rester dans la province où nos pères sont restés, et vivre comme ils ont vécu, pour obéir au commandement inexprimé qui s'est formé dans leurs coeurs, qui a passé dans les nôtres et que nous devrons transmettre à de nombreux enfants: Au pays de Québec rien ne doit mourir et rien ne doit changer..." »

Louis Hémon (1911), Maria Chapdelaine, extrait du ch. XV.

***

Bien des choses ont changé depuis. Mais pas ce morceau d’âme je pense. Cela explique entre autres la résistance linguistique qui ressortait du sondage dont je parlais il y a quelques jours.

***

En faisant ma recherche j'ai découvert que Maria Chapdelaine été tourné par Julien Duvivier en partie au Québec en 1933 ou 1934. Madeleine Renaud en Maria et Jean Gabin en François Paradis. Je n'ose pas imaginer l'accent...

***

Prochain billet sur ce thème: l'hiver. C'est de saison. Il fait moins dix ou douze le matin depuis quelques jours, tout est blanc, j'ai pris ma première fouille sur la glace des trottoirs et on en a pour quelques mois.

20 novembre 2005

Eul frança qu'on hadjis pas

On a enfin plus de détails sur cette enquête des radios publiques francophones. Les bribes que j’en avais hier faisaient ressortir que la grande région de Québec était la moins fière de sa langue. Finalement, elle a un score assez comparable aux autres :

Si, à votre naissance, vous aviez pu choisir votre langue maternelle, laquelle auriez-vous choisie ?

(Réponses données à l'aide d'une liste)

France

Belgique

Suisse

Canada

Le Français

63

64

54,1

69,9

L'anglais

21

21

20,9

21,8

L'espagnol

5

4

6,6

3,2

L'italien

4

3

8,3

2,5

L'allemand

1

2

4,1

0,3

Le chinois

1

1

1,2

0,3

Une autre langue

4

2

4,8

0,9

Ne se prononcent pas

1

-

-

1,1

TOTAL

100

100

100

100

Néerlandais (choix proposé uniquement en Belgique)




0,3

Tiré du site de l'émission Le français qu'on aime.

Au cours de l’émission on faisait remarquer qu’au Canada les scores les plus forts étaient atteints en Acadie et dans l’Ontario francophone, comme si le sentiment de péril valorisait la langue maternelle. Belle observation qui explique l’acharnement des québécois à franciser tout ce qu’ils voient passer. On a cité l’exemple du dépanneur, night shop en belge, bazarette en France, selon la recommandation officielle, qui se prononcerait plutôt arabe du coin, en fait. On remarque que les européens sont plus ouverts à des langues autres, question de proximité. Que les wallons préfèrent autant le néelandais que le chinois en dit long sur les relations harmonieuses des communautés belges. Quant à la Suisse... la banque est cosmopolite.

Par contre, le tableau sur les pays francophones préférés est étrange :

Si vous aviez le choix, dans quel pays ou région francophones aimeriez vous vivre ?

(Réponses données à l'aide d'une liste)

France

Belgique

Suisse

Canada

La France

50

23

18,7

16,2

Le Québec

30

18

18,7

65

La Suisse romande

6

6

56,1

1,7

Un pays d'Afrique noire

5

3

2,1

0,6

La Belgique

4

48

2,7

0,2

Un pays d'Afrique du Nord

4

2

1,8

0,1

Ne se prononcent pas

1

-

-

1,6

TOTAL

100




Autres (choix proposé uniquement au Canada)




6,1

Ontario (idem)




4,3

Acadie (idem)




4,1

Tiré du site de l'émission Le français qu'on aime.

Ça fait beaucoup, 30% de français qui préfèreraient vivre au Québec. Cela dit, on ne sait pas quand a été fait le sondage mais on peut présumer que si c’était au cours des dernières semaines, l’explication coule de source. La popularité du Québec s'explique sans doute un peu par le rêve amériquain toujours un peu présent dans les esprits.

Les québécois restent nombrilistes, bien centrés sur l’Amérique, loin des vieux pays.

Plus chauvins que les français, ce qui n’est pas peu dire.

Pour ma part, je ne me vois pas parler une autre langue que le français. Je me verrais peut-être bien vivre en France ou mieux en Suisse, question d'hiver, voire à Paris dans un 4 et demi sur l'Ile Saint-Louis, mais bon, je n'ai pas gagné le grot lot du 6/49.

Advenant le cas je ne détesterait pas non plus le lac Memphrémagog ou une plage sur le bord de la mer en Acadie.

Rêvons.

19 novembre 2005

On ne s'étonne plus de rien à Québec

Un autre élément à ajouter au lourd dossier de l'étrangeté de la région de Québec.

"L'enquête révèle que 70 % des Canadiens français auraient choisi la langue de Molière comme langue première, si on leur en avait donné le choix à la naissance. Curieusement, cet engouement pour la langue française est moins prononcé dans la région de Québec, où seulement 64 % des répondants auraient choisi le français comme langue maternelle, s'ils avaient eu le choix.

Toujours à Québec, près de 32 % des adultes francophones auraient choisi l'anglais comme langue maternelle, s'ils en avaient eu le choix à la naissance. Ce goût pour l'anglais est moins prononcé chez les francophones du reste du Québec, de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick."

Pour le reste de la nouvelle : à Radio Canada


Reste à voir le score dans le reste de la francophonie diffusé demain 15h en Europe et 9h au Québec.

Et je désespère de la région de Québec, qui devrait suivre une cure de déiXisation ou encore faire dératiser ses stations de radio.

Addenda: 14h30 : 64% , c'est le même score que les belges. Doit-on en conclure que les gens de Québec sont une manière de belges ?

16 novembre 2005

Pas mort

Juste rien à dire. Le blues du mois de novembre, la session qui déjà s'achève, les corrections. Et ce temps trop doux ce matin qui m'a fait prendre une longue marche dans le vent. Je découvre Gombrovicz, un écrivain polonais assez tordu merci qui a un sens de l'humour étrange.

Et je me cherche du boulot pour cet hiver.

9 novembre 2005

L'époque loufoque

François Ricard est un de ces intellectuels québécois que j’aime bien. On l’entendait autrefois aux émissions littéraires de Radio Canada, il fait partie de ce groupe qui a longtemps tourné autour de la revue Liberté. Professeur à McGill, auteur de La génération lyrique, dont il est un bon représentant, c’est une autorité sur Gabrielle Roy et Kundera.

Voilà qu’il publie chez Boréal, dans la collection Papiers collés qu'il dirige, un recueil de ses écrits sous le titre Chroniques d’un temps loufoque. Comme de coutume dans ce genre de sport, il y a à boire et à manger. On va de la critique littéraire (Houellebec, Duteurtre, Kundera) en passant par les humeurs, l’essai plus sérieux et toujours l’humour, l’ironie ou au moins le sourire en coin.


Dans sa critique du monde actuel, on le sent très proche de Philippe Murray ou de Duteurtre. Pas surprenant d’ailleurs puisque que ces textes viennent tous de la revue L’atelier du roman, repaire de cette mouvance littéraire. En ce sens, sa critique du temps présent emprunte beaucoup à Murray, moins le style et la mauvaise foi. Par contre, il est doucement féroce quand vient le temps de passer certains de ses collègues universitaires à la moulinette.


Moi qui connaît assez bien le monde universitaire mais très peu la critique littéraire qu’on y pratique je me suis bidonné à le lire sur les grilles d’analyse qui sévissent dans son domaine. Disons que Ricard est un païen de ces approches hautement théoriques. Il aime la littérature pour ce qu’elle est, pas pour la glose qu’elle suscite. Pour lui l’œuvre est unique et si le critique doit la placer dans son contexte, elle ne se réduit pas «à la connaissance de ses déterminations (idéologiques, génériques linguistiques, sociopolitiques ». Ricard remarque que ce champ théorique débouche sur les Cultural Studies anglo-saxonnes où tout texte (BD, publicité, etc.) est aussi pertinent à étudier que Madame Bovary ou La recherche du temps perdu. Et je vous épargne la défétichisation du texte et les propos assez hallucinants sur la traduction féministe qui doit s’affirmer comme co-créatrice des œuvres traduites, quitte à les modifier.

Ricard ironise sur ces courants qui refusent à l’auteur toute préséance et glorifient le critique ou le lecteur comme co-créateur de la littérature. Sa position est on le voit assez conservatrice en somme. Elle a cependant le mérite de ramener certaines constructions universitaires à ce qu’elles sont, un discours auto congratulant de pairs qui se doivent de citer les auteurs à la mode pour percer dans le domaine.

En ce sens, cette critique m’apparaît valable dans bien des champs de la connaissance contemporaine. En géographie anglo-saxonne, point de salut hors de la postmodernité. Elle a curieusement un peu plus épargné la géographie francophone, même si le corpus des auteurs postmodenisants est essentiellement français (Derrida, Foucault, Baudrillard, etc.). Pour ma part j’ai lu ma dose géographies post-modernes. Elles ont le mérite de tenter de cerner la création des représentations du territoire que s’en font les habitants. Mais à l’usage cette approche a quelque chose de stérilisant puisqu’elle me semble donner plus de place à l’observateur qu’au territoire lui-même.


Ricard attire l’attention sur une remarque de la philosophe Hannah Arendt qui reprochait aux sciences humaines «le silence que l’expert se donne le droit d’imposer aux sujets qu’il étudie». Mi science humaine mi science physique, la géographie y a traditionnellement un peu échappé, comptant sur le terrain pour s’accomplir. Cette humilité a été son salut, dicté aussi par la difficulté de produire une théorie qui sache expliquer les paysages créés par les humains. Trop de facteurs, de particularismes sont en jeu pour qu’une théorie soit possible.

Et disons-le, ça fait longtemps que les géographes savent que les habitants d’un territoire en savent infiniment plus que lui à son sujet.


Dommage qu’on l’ait trop souvent oublié en travaillant devant les ordis.

Ricard, François (2005). Chroniques d’un temps loufoque, Boréal, Montréal, 178 p.

7 novembre 2005

Désarroi

C’est le mot qui me vient à l’esprit à lire sur ce qui se passe en France. Il me trotte dans la tête depuis que j’ai lu ce très beau commentaire de Matoo chez Sale bête et qu’il reprend sur son blogue. C’est un témoignage de terrain, bien commenté, en plus. Il y en a beaucoup d’autres...

***

Je ne connais rien des cités parisiennes, ni des ghettos des villes américaines, à peine les quartiers pauvres de Montréal, un peu mieux ceux de Sherbrooke et les rangs perdus des magouas et des chaouins. Je vois beaucoup de jeunes, mais ils ont réussi à se rendre à l’université.

Mais comment raisonner sur des choses si déraisonnables ? Un géographe regarde le territoire. Que les cités HLM soient un des échecs urbanistiques les plus patents du siècle est évident. On appelait ça la sarcellite dans les années soixante. Les new town en Grande-Bretagne, les quartiers de rénovation urbaine en Amérique. Partout les tours, le béton, les machines à habiter c’était le progrès des immeubles fonctionnels et raisonnés. Mais si peu humains et coupés de la nature. D’où ces violences urbaines endémiques.

Voire. En campagne ce n’est pas mieux. Il y a des tags dans les villages. De la délinquance aussi et des taux de suicide élevés. Peu d’emplois qualifiés. On s’y défoule en VTT en skidoo ou en bazou. Pas l’anomie des villes, mais la pesanteur du milieu. Rien de concluant pour le géographe si ce n’est l’hypothèse que dans le jeu du territoire, l’émeutier est souvent supérieur au flic parce qu’il connaît mieux le terrain. Guérillas.

Je pense qu’il est inutile de chercher un sens à ces émeutes. Il n’y en a pas. C’est une pathologie sociale. Faire brûler des autos pour passer à la télé ? Possible, on a le star académie qu’on peut et faire brûler une auto ou une école c’est manifester un problème qui n’existait pas dans les médias et qui y disparaîtra dans six mois. Pauvreté, exclusion ? Évidemment. Mais aussi désespoir. Quand on brûle une école ou un commissariat, on s’attaque à la cité et surtout à l’autorité, c’est une révolte adolescente presque. Dur d’être un ado désespéré.


Mais soyez rassurés on gérera la crise. Il y aura des plans d’action. Des interventions sur le terrain. Sans doute même des progrès réels. Plus de sécurité aussi, des caméras, des brigades d’interventions spécialisées. Et la même chose se produira. À Sao Paulo, à Détroit, à Lagos, à Séoul, à Montréal ou à Sherbrooke même. Cela se passait aussi à la Nouvelle-Orléans, à Monrovia, à Alger, à Londres, à Karachi, même à Huntingdon.


Difficile de trouver un sens à une époque qui en a si peu.

4 novembre 2005

CharlÉlie...

Petite journée tranquille à lire et à me remettre de la longue soirée d’hier. Suis allé voir CharlÉlie Couture, qui faisait sa deuxième visite en carrière à Sherbrooke. Comme la radio où je travaillais à l’époque l’avait produit il y a 16 ans, c’était l’occasion de renouer avec cet artiste curieux que j’ai toujours bien aimé. Très bon spectacle dans l’ensemble et même si je ne suis pas trop familier avec sa production récente, CharlÉlie a repris juste assez de ses classiques pour que je ne me sente pas désorienté. De jeunes musiciens new-yorkais l’accompagnent, pas de grosse mise en scène, juste de la musique solide et des classiques revisités souvent somptueusement différents.

Un pro ce CharlÉlie et comme l’ami et vieux complice radio qui m’accompagnait le connaissait un peu, on est allé le saluer dans sa loge après le spectacle. Il est toujours aussi gentil et simple, ce qui est le signe des grands dans le showbiz.


Et avec ce vieil ami on est allé prendre une bière ou deux question de se rappeler ce bon temps de la radio, de notre jeunesse folle, sans doute une des périodes les plus agréables de ma vie. Ça donne toujours le goût de refaire de la radio un des ces quatre.


Pourquoi pas ?

On ne sait jamais.

2 novembre 2005

Soyons locaux

J'avais oublié ce texte sur les élections municipales à Sherbrooke qui traîne depuis une semaine dans mon ordi. Aussi bien le passer tout de suite, les élections ont lieu dimanche...

***

Me balladant aujourd’hui dans les rues de Sherbrooke j’ai eu l’idée d’entretenir ma clientèle internationale ou insulaire montréalaise des enjeux des élections municipales de Sherbrooke. C’est un sujet passionnant qui me tient d’autant plus à cœur que j’ai toujours gardé une certaine tendresse pour ce domaine politique, par antécédents familiaux et expérience journalistique. J’ai quand même couvert le conseil municipal pendant cinq ans, au temps de ma jeunesse folle. Choix éditorial et pragmatique, l’Hôtel de ville était à cinq minutes, le journaliste piéton que j’étais pouvait donc s'y rendre facilement de son QG à la radio. C’est là d’ailleurs que j’ai appris le métier en regardant travailler les collègues. Et ils étaient bons profs.


Pour comprendre la politique municipale à Sherbrooke, il faut d’abord savoir une chose : tous les conseillers sont indépendants. Ils sont néanmoins bleus ou rouges, en gros, souverainistes ou fédéralistes. C’est ce qui détermine leurs réseaux, leurs organisations. Cela dit, sur les questions municipales on est rarement dogmatique, sauf pour les contrats de consultants* ou, plus rarement, tolérer à la mairie un incompétent, ce qui n’est pas le cas du maire actuel.


Jean Perrault est un rouge. Mais pas aveugle. L’un de mes plus beaux souvenirs du conseil c’est de l’avoir vu lever des yeux désespérés devant une niaiserie particulièrement nulle proférée par le maire (rouge) de l’époque. C’est est un sportif, champion de ski nautique en 1967, vedette locale, directeur des services sportifs du cégep de métier. Il a d’ailleurs succédé à son DG (un bleu) à la mairie. C’est un homme de terrain, facile d’approche, pragmatique, je dirais très amériquain. Comme à Sherbrooke les rouges sont d’abord charestistes, il pratique les mêmes réseaux et figure volontiers sur le stage de poodle en chef. Ils ont un Everest voire une Praxis** en commun.


Chez les bleus, on mise cette année sur Hélène Gravel, que je ne connais pas. Elle vient de la chambre de commerce, ce qui ne me semblait pas un nick à bleus a priori. Si je me fie au rusé Larochelle de La Tribune, elle a commis quelques impairs. Visiblement, son organisation ne maîtrise pas les dossiers, il lui manque le terrain nécessaire au municipal. Cela dit, les bleus sont une bonne organisation qui a tout de même ravi aux rouges le siège fédéral et évite tout triomphe éclatant à notre illustre député provincial. Elle incarne aussi le changement. Son adversaire est en poste depuis 1994, la volatilité de l’électorat peut-elle jouer ?

Cela dépend des enjeux, qu’on verra un autre jour, si vous le voulez bien.

* N’hurlez pas trop à la corruption. Les sommes en question sont une part microscopique du budget municipal. C’est du travail d’amateur si on le compare aux pratiques ordinaires de la Maison Blanche ou au financement traditionnel des partis politiques français.

** Blague très locale. Le groupe Everest, vedette de la commission Gomerey, a été fondé à Sherbrooke et il est très près de Monsieur Charest. Sa succursale locale a changé de nom et est devenue Praxis, avec à sa tête un ancien conseiller municipal et ex-chef de cabinet du maire Perrault, Jean-Yves Laflamme, lequel organise d'ailleurs sa campagne. Le monde est petit et Sherbrooke est un village. Et je vous en épargne, parce que l'ancienne adjointe de comté du député fédéral Charest (une femme admirable, en passant) était la blonde d'un des boss d'Everest à l'époque. Aujourd'hui, la blonde du boss de Praxis est chef du cabinet du maire Perrault. Mais circulez, ya rien à voir.

1 novembre 2005

Petite journée

Journée assez ordinaire. Malgré une rage de dents qui doit faire au moins 8 à l'échelle Richter réussi à donner mon cours, sans tuer personne non plus malgré le sevrage nicotinique. Rentré à pied de l'université par un temps doux exceptionnel qui rend heureux.

***

On ne parle aujourd'hui que du rapport Gomerey qui éclabousse l'ancienne gagne de libéraux. J'ai lu quelques extraits du rapport, dont ceux sur le groupe Everest, fière entreprise sherbrookoise dont la cupidité n’est somme toute pas trop détonante dans le milieu de la pub. J’ai lu aussi la section sur l’origine du programme et cette caisse noire du fonds sur l’unité nationale, à l’usage du premier ministre, mise en place sous Trudeau et fiancée à la hauteur de 50 millions par an sous Mulroney et Chrétien. On y puisera d’ailleurs en partie l’argent des commandites. Je pense qu’on a légalisé la procédure depuis mais, bon, on sera sceptique, disons.

La première partie du rapport sur le fonctionnement du gouvernement fédéral m’apparaît éminemment pédagogique. Je ne l’ai pas terminée, mais on y fait une belle leçon de gouvernement 101 en expliquant bien les limites du politique et de l’administratif, toujours un peu confuses en système britannique.

Quant aux dégâts politiques de cette affaire, ils risquent de se limiter à quelques chemises déchirées, quelques questions et séances houleuses aux Communes et des élections comme prévu en Mars, après que le gouvernement ait soigneusement promis de faire un plan d’action, bla bla bla.

Moralité : aucune. Le Canada tient trop à lui-même pour en avoir quand il est question de son intégrité territoriale.

30 octobre 2005

On toffe

Me restait trois cigarettes à fumer ce matin. Elles le sont depuis longtemps. Mais surtout ne pas trop en faire une affaire et reprendre les activités normales, esclavage en moins. Heureusement le beau temps invite à prendre l'air. Et l'appart à faire du ménage.

Retour en classe cette semaine, déjà le revers de la session qui commence... Et rien en vue pour cet hiver si ce n'est que des accusés de réception automatique. Bah le temps s'en vient des burn out d'Hiver. Ça crée de l'emploi chez les précaires...

29 octobre 2005

J - 1

Jour de liberté demain, le blogueur devient non fumeur. Dernière soirée à me massacrer les poumons, à faire semblant que j’aime fumer, alors que je m’étouffe régulièrement. Il y a la dépendance, réelle, les rechutes possibles mais je vais faire un homme de moi et passer par-dessus. Ce sera toujours ben ça de pris. Et je serai libre, enfin.

***

Reçu mon diplôme de maîtrise hier par la poste, vu que j’avais oublié de me pointer à la cérémonie la semaine dernière. Ma direction était un peu déçue, mais je l’ai fait rire en lui disant que je ne pouvais y réaliser mon phantasme, entarter le recteur précédent, Pierre Reid. Cela dit, il n’a pas besoin de moi, son passage au Ministère de l’éducation et les grèves étudiantes consécutives ont bien prouvé qu’il sait très bien s’entarter lui-même. Du reste, comment entarter une tarte ?

***

Journée qui sentait un peu l’Hiver malgré le soleil. L’air avait cette pureté sèche des masses d’air arctique, la lumière une sorte de froideur pâle qui aplatit les couleurs. Belle grosse gelée dans la brume ce matin. L’automne se fait tard.

26 octobre 2005

Anniversaire

Il y a la façon managériale :

- Alors monsieur Machin, sur l’opération blogue, on a atteint les objectifs du plan de com. ?

- Quantitativement, l’opération a nécessité l’investissement d’une centaine de communiqués et une formation minimale des acteurs présents. Comme prévu, les indices de fréquentation se sont améliorés, notamment sur le dernier semestre grâce au linking de cibles en synergie avec nos opérations. On constate une nette amélioration de l’indice Blogshares sur le dernier trimestre, par contre on échappe à l’indice Bidule faute de contact chez Technocrati.

- Faudra y remédier ça rassurera les actionnaires.

- Oui, j’ai mis Trucmuche sur le dossier on attend un feedback de leur part.

- Bien, j’ai remarqué certaines périodes peu actives, si on veut fidéliser, faudra améliorer nos performances sur un plan plus continu.

- Ça nécessiterait plus de ressources.

- Impossible, nos marges ne le permettent pas, débrouillez-vous avec le personnel en place.

- Bien Monsieur le directeur.

Il y a aussi la façon Céline :

Merci…. Merci………. Merci…… Vous êtes tellement merveilleux………. Merci à mes merveilleux scripteurs, merci à mes photographes, merci à René et à René-Charles (elle essuie une larme) Je……. Merci…… Merci encore……… Merci à surtout à vous mes lecteurs qui prenez du temps pour me lire…….. C’est pour vous qu’on fait ça……. Vous savoir là c’est toute ma vie…….. Merci…… Je vous aime tous…… pis on va continuer……(100 ml de larmes et ovation de la salle, elle quitte au son triomphal de l’orchestre).

Il y a bien sûr la façon jeune :

C tro koul sa fé 1 an ke je fé du blog é sui kontan davoir toffé la ron :)))) Slt o tinamis ki me liz mé jaret la pcq cé pa évidan dékrir kom sa kan ton na d kopi à k ri g

Enfin, il y a la façon magouate.

Un an depuis le premier billet. Franchement, je ne pensais pas me rendre jusque là, par paresse naturelle ou manque d’intérêt à la longue. Puis on se prend au jeu, on culpabilise après une semaine sans rien écrire. On se régale des autres, on en découvre de nouveaux. On se réjouit des commentaires toujours trop rares, on est content d’être repris ailleurs (merci Laurent et les autres !).

Je voulais aussi en finir avec cette relation amour/haine que j’ai avec l’écriture. Je pense voir partiellement réussi. Réussi parce que ne répugne plus à écrire et surtout à me relire ce qui était pire. Partiellement, parce que j’ai encore des progrès à faire et bien des choses à dire encore. Je me suis pris à aimer raconter des choses par écrit du sérieux du moins sérieux des choses personnelles ou publiques.

Il me reste encore bien des choses à apprendre tant au plan technique que du contenu. Il me reste encore des blogues à découvrir et à travers eux des gens aussi. Il me reste aussi à m’amuser de plus en plus, des gens à rencontrer éventuellement par ce biais.

Continuons donc.

***

Et la neige a neigé…
Le jardin ce matin sous 10 cm de neige lourde. Si j'étais dans mon ancien bled près du Mont Mégantic ce serait plutôt 25 ou 30...

J'ai sorti ma pelle pour rien. Et j'en suis bien content.

25 octobre 2005

Le grand bond en avant

Dans le Devoir d’hier ce titre : La gauche québécoise fait un grand bond. Je ne peux m’empêcher de compléter par, en avant, du nom de ce célèbre échec tragique de Mao, ex-gourou d’Alain Dubuc, Gilles Duceppe, PKP et autres ML repentis. J’ai bien de la sympathie pour la gauche québécoise, surtout pour le travail que ses militantszémilitantes font quotidiennement pour aider les pauvres. Autant j’adore picosser les communautaires en politique autant je salue et respecte leur dévouement bien concret de bon cathos laïques.


Pourtant, leur naïveté politique m’énerve. Ainsi elle sera souverainiste cette gauche, mais le projet de société passe avant. Ben sûr. Je ne comprendrai jamais cette urgence à discuter la couleur du papier peint d’une maison qui reste à construire. Comme si un pays a toujours un projet de société préalable. Peut-on être quelque chose avant d’exister ? Je me souviens du discours ML au référendum de 80 abstenons-nous au référendum bourgeois. De ceux qui ont voté non à celui de 1995 parce que le PQ est trop à droite.

Aux prochaines élections, sans doutes référendaires, cette gauche jouera donc encore une fois son rôle d’alliée objective des fédéralistes. Si elle ne se fait pas laminer, elle donnera un deuxième mandat à monsieur Charest. Les trois ou quatre points qu’elle enlèvera au PQ seront probablement suffisants pour le remettre en selle, allié ou non à l’ADQ. Et il pourra gouverner à droite toute. Ça fera de belles manifs.

François Saillant disait en fin semaine, non sans raison et humour, que la gauche québécoise n’avait pas de pire ennemi qu’elle-même. Réconciliée, elle deviendra hélas! la meilleure alliée de la droite fédéraliste.

***

Et au moment de coller ce texte dans ce blogue, la pluie qui dure depuis ce matin s’épaissit un peu de gros flocons lourds et mouillés.

On parie sur un réveil blanc demain ?

Addenda à 16H :

Avertissements météo officiels d'Environnement Canada

Alertes/avertissements
Estrie
15h36 HAE le mardi 25 octobre 2005
un avertissement de neige abondante pour
Estrie est emis
Les accumulations de neige atteindront 15 centimètres sauf en terrains élevés ou elles seront de l'ordre de 25 centimètres.

Ousse qu'à l'est ma pelle ?

23 octobre 2005

Encabannement

Petite journée à folâtrer et à tenter de caser les plantes que j’ai rentrées de dehors. La plate-bande du centre de la cuisine diminue tranquillement… Mais déplace ceci, tasse cela, ça ressemble à un grand ménage. Heureusement, c’est semaine de relâche et le temps ne manque pas, même si j’ai beaucoup d’écrivage en vue pour en finir avec le déthèsage du mémoire.

Retrouvé mon CV, un des rares fichiers encore vivants de mon vieux mac. Cette semaine, ce sera aussi la recherche active d’emploi pour cet hiver, mon seul cours à l’université suffisant à peine à payer mes frais fixes. Rien en vue localement, il y aurait bien des remplacements au secondaire, mais comme je n’ai pas le permis ad hoc, c’est peu probable. La chose est ironique, puisque j’enseigne à leurs futurs profs. J’aimerais bien tenter l’expérience cependant, ne serait-ce que pour voir sur le terrain à quoi je destine mes étudiants.

***

Journée grisâtre d’automne, il y a de moins en moins de feuilles aux arbres et je ne serais pas surpris cette semaine de voir quelques flocons et des sommets de montagnes blanchis. J’ai à la fois le goût de m’encabanner et de partir ailleurs, de changer de cap complètement. Faire une passe de fric dans le grand Nord, me trouver une job de prof au cégep de Sept-Iles. Ce sentiment que j’avais cet été d’avoir fait mon temps à Sherby me revient.


Normal, quand novembre se pointe.

22 octobre 2005

Lucide Lucien

L’intervention des lucides sous la houlette de Lucien ne manque pas de bon sens. Que le vieillissement de la population du Québec soit inquiétant est un thème constant de mes cours de géographie idoines, d’autant plus qu’il frappe plus dur en zones rurales et en régions. Que le Québec soit trop endetté, je veux bien le croire, l’étant moi-même, je sais combien c’est inconfortable en cas de coup dur. Qu’on veuille revaloriser l’éducation m’enchante, quoique je pense que c’est autant une question valeurs que de moyens…

Je trouve quand même curieux tout ce battage médiatique autour d’un manifeste qui n’est somme toute qu’une liste d’épicerie de débats à mener rédigée par des outsiders du monde politique. Cela dit, ce n’est pas mauvais de brasser la cage autour de certaines idées reçues, d’autant plus que les réactions à ce propos ont été tellement prévisibles, Charest et Dumont y repêchent leurs idées de droite, la gauche institutionnelle rejoue son refrain contre le néo libéralisme.

Par sa neutralité sur la question nationale on a voulu ratisser large, mais force est de constater que beaucoup de solutions aux questions posées échappent en partie au pouvoir québécois, ne serait-ce que par ce nerf de la guerre qu’est la fiscalité. Quand la moitié des revenus des taxes et impôts provenant du Québec sont gérés à Ottawa, il y a plusieurs mains sur le volant…

Dans le fond, le but de cette manœuvre est d’effaroucher quelques vaches sacrées du décor québécois. Le cas des frais de scolarité universitaires est exemplaire à cet égard. Va sans dire que les étudiants sont contre une augmentation et qu’il sera impossible de les convaincre. Doit-on pour autant hurler au corporatisme ? On le fera à droite. Va sans dire aussi que des frais de scolarité peu élevés sont un obstacle de moins à l’accession aux études supérieures. Est-ce que ça permet l’arrivée des pauvres à ces sommets ? Que je sache l’université québécoise demeure surtout fréquentée par les classes moyennes supérieures qui marchent dans les traces de leurs parents. Pour trancher au-delà de l’impression, j’aimerais bien mettre la main sur des données sociologiques comparatives entre les universités chères de l’Ontario et les universités moins chères du Québec.

De même, la place du privé dans les services publics est toujours une question qui se pose. Là aussi les dogmes des libéraux ou des étatistes ne tiennent pas la route. Dans la gestion de l’eau potable, les expériences de privatisation sont rarement concluantes. Par contre, je ne suis pas sûr que les monopoles syndicaux dans les services alimentaires ou d’entretien des hôpitaux soient un succès.

Par contre, les propositions de changement dans la fiscalité m’inquiètent plus. Augmenter les taxes ou les frais des services publics comme l’électricité et diminuer d’autant l’impôt sur le revenu c’est favoriser les plus riches puisque les taux d’impôts augmentent selon les revenus. À moins bien sûr d’avoir des tarifs d’électricité modulés selon les salaires…

En un mot, ce manifeste de la lucidité ne règlera rien. Toujours on voudra un maximum de services gratuits de l’État et toujours on n’aimera pas en payer le prix par les impôts. Le bon citoyen aimera toujours acheter chinois moins cher chez Wal-Mart et demander en même temps une augmentation à son patron pour produire les mêmes bébelles à gros prix. Toujours on hurlera contre les inégalités et toujours on se taira quand elles nous favorisent.

Par manque de lucidité.

La lucidité se tient dans mon froc.

C’est connu.

20 octobre 2005

Un film amériquain

Je pensais me lancer ce jour d’huis dans l’analyse de la lucidité du messie Lucien et associés, mais comme il s’agit d’un gros morceau, on y reviendra plus tard.

***

Moi qui regarde à peu près un film par année, j’ai été enchanté de voir enfin C.R.A.Z.Y le film culte de cet été québécois. Six mois après tout le monde, à mon tour de dire que ce film m’a enchanté, touché et chaviré. Ce film c’est un peu ma vie, comme celle sans doute de milliers d’autres de ma génération. J’ai deux ans de plus que son héros, j’ai vécu dans un bungalow semblable, quoique nettement plus loin du parc Laurier. J’ai écouté la même musique, et Dieu sait si elle est présente dans le film, j’ai eu le même genre de famille, les mêmes inquiétudes identitaires, les mêmes expériences de jeunesse, bref difficile de ne pas s’identifier à cette histoire. L’un des enjeux de ce film est bien sûr l’identité sexuelle, son héros acceptant mal son homosexualité. Pire pour son père qui refuse d’avoir un enfant fif. Pour être un peu passé par là, mais de façon fort différente et plus paisible, les sentiments sont justes.


C’est un film populaire, bien fait, bien joué, juste assez délirant pour ne pas tomber dans la mièvrerie. Il témoigne avec une rare fidélité de la réalité de cette époque charnière au Québec, celle de la modernité, des valeurs qui changent et de la famille qui reste malgré tout. Je ne sais si ce film est universel. Il est profondément amériquain, en ce sens qu’il reflète la réalité sans doute assez semblable des classes moyennes nord-américaines avec indiscutablement une trame québécoise.

Je serais curieux d’en voir l’accueil en France. Télérama et le Monde vont probablement détester (trop populaire) le Figaro adorer. Quant à l’accueil américain, oublions le d’avance, on ne peut pas parler d’Amérique en français. Rêvons d’un oscar poli.

***

Après voir vu le film je me suis demandé l’origine du mot fif, équivalent québécois du pédé français. Déformation de fifille ? de fifine que j’ai entendu souvent à Saint-Hyacinthe ? Je ne saurais dire.

17 octobre 2005

Un coup d'eau

Non, mon blogue ne deviendra pas photographique, je ne maîtrise pas assez cet art, mais je n'ai pu résister à faire ce matin une petite excursion pour aller voir la crue des rivières de Sherbrooke. On a eu chaud, mais comme le montre le graphique du bas qui montre l'évolution récente du débit de la rivière Saint-François, la décrue s'amorce:
On trouve d'ailleurs le débit de beaucoup de rivières sur le site du Centre d'expertise hydrique du Québec..
Me voilà donc sur les sentiers des gorges de la rivière Magog, toute bruyante et rapide comme au printemps. La rivière chargée de sédiments est brun jaunâtre et le réservoir ordinairement calme du barrage est devenu un rapide. Je m'attarde au barrage Frontenac.
Dommage que je ne sache pas comment mettre le petit film que j'ai tourné sur ce blogue, une image fixe ne donne pas l'idée de la puissance et surtout du rythme de l'eau. Il y a des vagues qui fluent et refluent, se pulvérisent entre elles et la brume qui joue dans le ciel. Il y a aussi le grondement presque assourdissant de la chute. Spectacle fascinant que j'ai contemplé un bon moment. Je me dirige ensuite vers le barrage de la centrale Abénaquis.
La rivière Magog est blanche d'écume et les masses d'eau se fracassent sur les rochers en contrebas. On traverse ce barrage sur une passerelle grillagée qu'on voit sur le haut, directement au dessus de la chute, voir couler l'eau sous ses pieds est toujours impressionnant.
Passé ce dernier barrage le point de vue sur le centre-ville est chouette:
On voit le revers de la place des Moulins, la cathédrale, le dôme de l'hôtel de ville. Pour vous donner une idée du débit, d'habitude l'espace sous le belvédère est au sec. Me voilà maintenant au confluent de la Magog et de la Saint-François.
Sous le viaduc de la rue des Grandes-Fourches, on voit que la Saint-François coule à ras bord mais ne déborde presque pas sur la rive Est. De la passerelle sur la Magog cette scène toujours étrange:

Les familiers de Sherbrooke ne seront pas surpris de voir ce passage vers la rue Frontenac innondé: il est construit sous le niveau de la rivière et les pompes ne fonctionnent pas dès qu'elle monte un peu. Plus loin, la rue des Grandes-Fourches devient un lac de débordement de la rivière:
La rue King est demeurée au sec, ce qui a évité des bouchons qui auraient rendu nostalgique le calembourgiste Laroche qui sévit maintenant ici sur l'antenne régionale de Radio Canada. De l'autre coté de King, beau point de vue sur l'Est:
On voit bien que le bas de la ville de Sherbrooke est dans le lit majeur de la rivière Saint-François, une zone normalement innondée aux dix ans. Heureusement il n'y a que des stationnements dans ce secteur et les nouveaux bâtiments, comme celui de la SAQ sont construits sur des talus.
J'en ai profité pour faire l'achat d'une bonne bouteille d'un petit rouge portugais dans la seule succursale péninsulaire de la Société d'État, déserte faute de clients motorisés.

En un mot, on est loin des innondations de 1982, mais j'ai un ami maraîcher de Lennoxville qui doit en ce moment songer à se reconvertir dans la riziculture.

16 octobre 2005

Villages oubliés

Visite hier de l’ami poète invité par le salon du livre. Soirée poèmes et chanson à moitié réussie, malgré la plaisante animation d'Urbain Desbois. L’atmosphère froide et non fumeur du foyer du centre culturel ne se prête pas à ce genre d’événement, un peu comme si l’université stérilisait l’ambiance. Ajoutez-y un public dispersé, un peu trop compassé et la soirée devient vaguement ennuyeuse. L’ami poète en a d’ailleurs profité pour faire un petit esclandre en suggérant que ce genre d’activités se tiennent au centre-ville, là où les gens sont. Ce qui n'est pas bête mais, sans moyens, sans lieux, ce n'est pas évident. Pendant ce temps, le stade de football était plein malgré la pluie battante, ce qui donne une idée du haut niveau culturel de la gent estudiantine ou sherbrookoise en général.

***

Ce qu’il y a de bien avec cet ami, c’est que nous avons une vieille habitude de faire des tours de machine. Aussi, malgré la pluie je n’ai pas refusé son invitation, d’autant plus que quand je suis allé à Hatley avec mes étudiants, j’avais bêtement oublié qu'il était impossible de prendre des photos en guidant un groupe. De retour donc vers trois villages oubliés.

Le premier de ces villages est Hatley. Non ! Pas North Hatley sur le lac Massawippi, celui des parvenus premier ministres, ce refuge de présidents fuyant la canicule perpétuellement envahi de touristes. Le Hatley dont il s'agit est en rase campagne. Il n’y a ni dépanneur ni restau chic. Pourtant c’est un des plus vieux gros village des Cantons de l’est, étape de la diligence Boston Québec. Mais, privé de chutes ou de chemin de fer, il resté presque fossilisé dans le 19e. Hatley est, en fait, un village de Nouvelle-Angleterre.


Ainsi il a un common, cette place gazonnée qui sert de lieu de rassemblement des villageois. On y trouve les bâtiments publics, en l’occurrence ici l’église anglicane et l’ancienne école devenue mairie, salle communautaire et bibliothèque. Comme elles datent respectivement de 1828 et 1832 ce sont deux des plus anciens bâtiments du coin.

Ici la rue Principale du village. Les deux magasins généraux y ont fermé, il n'y reste que des résidences quelque part entre le banal bungalow et la splendide résidence restaurée par un néo-rural. Quand j'y passe avec un groupe d'étudiants, on y décuple la cirulation piétonne moyenne. C'est un village paisible, on dirait qu'il ne s'y passera jamais rien. En cette journée pluvieuse les seuls êtres vivants que nous y a vons vu étaient des boeufs qui nous regardaient l'air bovin.



En Route vers Kingscroft par une de ces beaux petits chemins de campagne qu'on trouve partout en Estrie. Derrière les rangées d'érables les champs , les vaches, les prairies.







Kingscroft est encore plus petit que Hatley mais on y trouve cette belle petite église catholique. C'est un des rares hameaux francophones du coin. Déjà l'édifice a un air un peu plus monumental, tradition oblige.




Avant Way's Mills il y a une des rares granges rondes encore debout du Québec. La légende veut que cette forme empêchait que le diable puisse s'y cacher dans les coins. En fait il s'agit d'un de ces nombreux designs révolutionnaires, modernes et efficaces que produisait la fin du 19e siècle.

Way's Mills est un village à croquer, presque construit sur sa rivière qui le traverse. On y est pas arrêté. il pleuvait trop. Son grand monument est une tour à sécher les boyaux d'incendies, comme on en voit encore un peu partout dans les villages. La photo est prise à la sauvette entre deux coups d'essuie-glace.







Curieusement, les deux églises du villages sont loin de son centre, elles se font face de l'autre coté de la rivière. Celle-ci est néogothique.



Et puis, après une excellente pizza au chic restaurant chez Maurice d'Ayer's Cliff - il faudra que je chante un jour ces restaurants de succulente cuisine familiale- on est revenu par le grand chemin en surplombant le lac Massawippi.


Ce beau lac et ses montagnes étaient complètement dans la brume, comme monsieur Charest, son célèbre riverain.