Tout d'abord mes excuses pour mon retard à faire ce compte-rendu, suis pas mal occupé au jardin à lutter contre les pluies fortes (je déteste tuteurer) et une invasion de scarabées japonais qui avaient décidé de faire de mon rosier une salle d'orgie où ils copulaient à deux trois, même quatre. J'ai oublié de prendre des photos pour les amateurs mais leur ai joyeusement donné une douche de End All insecticide à peu près bio pour éviter leur reproduction et les dégâts ultérieurs. Sont morts en copulant, comme Félix Faure, grand bien leur fasse.
Par ailleurs sur le front informatique, mon vieil ordi sous Windows, déjà cacochyme avant mon départ agonisait à mon retour, refusant de se réveiller suffisamment pour que je puisse copier les nombreux fichiers que j'avais négligé de copier en sûreté. Comme suis nul en bidouillages informatiques j'ai fini par ouvrir accidentellement Windows en mode sans échec et depuis je le vide de sa substance. Il sera remplacé plus tard aujourd'hui par un Mac mini qui sera le coeur du boudoir multimédia que deviendra mon ancien bureau. Beaucoup de barda en vue... mais revenons en Gaspésie.
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Nous sommes mardi, à Rimouski chez mon ami le microclimatopithèque. Le jour est gris mais ne semble pas trop pluvieux. Comme il est en plein déménagement, impossible de se faire à déjeuner aussi il nous invite à le suivre à la café de l'université (du Québec à Rimouski). Bonne bouffe dans l'ambiance brique brune, tuiles rousses et béton gris de cette aile typique des constructions scolaires des années 1970. Il nous fait les honneurs ensuite des divers labos de son département (chimie-bio-géo, on fusionne large à l'UQAR) répartis un peu partout dans les vielles ailes du couvent des Ursulines. Le lieu où travaillent les étudiants chercheurs qui surveillent l'érosion des côtes est logé dans les combles du vieux couvent, vue magnifique sur le fleuve mais aussi entassement joyeux d'un département de géo dynamique et en croissance, ce qui me rassure.
Mon ami nous fait visiter ensuite le hangar où il construit des instruments d'acquisition de données climatiques. Il s'agit de haute technologie. Par exemple, les tubes servant à mesurer le régime thermique des falaises où ils sont forés sont remarquables d'ingéniosité. Leur système d'insertion est aussi sophistiqué. On comprendra que je n'aie pas pris de photos pour éviter l'espionnage industriel, mais sachez que parmi les composantes de ce système, il y a notamment des 2 par 4, des glissières de porte patio, une planche à découper les légumes et de l'isolant à calfeutrage de fenêtres. On ajoute un peu de poudre à bébé pour lubrifier et voilà votre falaise entubée, prête à enregistrer sa température aux heures à tous les 10 cm sur deux mètres pendant plusieurs mois. Suffit ensuite d'être un peu acrobate pour récupérer les données.
J'ai l'air de me moquer mais, au contraire, depuis des années que je le connais, mon ami microclimatopithèque invente ce genre d'instruments de mesure faits à partir de composantes ultramodernes comme les capteurs thermiques combinés à d'autres venues du Canadian Tire du coin. Ces instruments nouveaux permettent des mesures nouvelles qui font mieux comprendre les processus d'érosion des falaises et des littoraux et ainsi de délimiter les zones à risque. Et ce n'est qu'un des talents de ce vieil ami. (Comme ce genre de mesures tend à confirmer les risques liés au réchauffement climatique, on comprendra que le gouvernement fédéral conservateur soit de moins en moins porté à les subventionner)
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Reprenons donc la route 132 vers la vallée de la Matapédia, direction Escuminac sur la baie des Chaleurs. C'est que nous ferons le tour de la Gaspésie à l'envers, du flanc Sud de la péninsule vers le Nord. C'est un bon truc: il y a moins de circulation et on évite de se retrouver trop souvent à rager derrière une caravane poussive. Comme nous ne sommes pas encore en saison, le trafic est encore plus mince. À partir de Sainte-Flavie, on entre dans l'arrière pays, par la vallée de la rivière Mitis.
Comme tous les arrières-pays des Appalaches, c'est un monde de collines où l'on vit un peu d'agriculture, beaucoup de bois, de tourisme l'été et trop souvent de chômage. De beaux villages avec de grandes églises mais on a l'impression que la vie s'y étiole un peu, les gens vieillissent, les jeunes s'en vont, les écoles ferment le pays se désâme.
On passe insensiblement vers le versant Sud de la Gaspésie, il y a tout d'abord le grand lac Matapédia encore bordé de village sur sa rive Ouest et de montagnes plus sauvages sur son flanc Est.
On dïne près la décharge du lac, à Amqui. Une petite ville coincée entre le fond de la vallée et des versants sur lesquels elle déborde et qui nous rappelle un peu Sherbrooke. On y dîne dans un chic Dixie Lee, fast-food local réputé pour son poulet frit, très fréquenté par habitants du coin. Pour tout dire, je crois que son succès tient plus à l'absence de concurrence qu'à la qualité de la nourriture.
Nous reprenons la route dans la vallée de la Matapédia qui s'ensauvage et s'encaisse de plus en plus. Après Sainte-Florence aucun village sur 60 km. Il n'y a que la route, le chemin de fer et quelques camps de pêche au saumon. À peine le hameau de Routhierville et son pont couvert que nous allons explorer.
Le pont vu de la halte de la route 132
C'est un des plus longs du Québec, on peut encore y circuler.
La rivière Matapédia vue du pont. Une eau claire qu'on boirait sans crainte.
Après Routhierville, la route joue à saute-mouton avec le chemin de fer, le temps gris brumeux et bruineux fait de beau effets dans les montagnes. À son embouchure, la Matapédia se joint à la Restigouche et les deux forment un delta qui fait le fond de la baie des Chaleurs.
Ristigouche est un lieu important dans notre histoire. C'est ici en fait que s'est livrée la dernière bataille de la Nouvelle-France. Une bataille mi navale mi terrestre. C'est qu'après la bataille d'Abraham à l'automne 1759, les Anglais se retrouveront à leur tour assiégés dans Québec au printemps 1760 à la suite de la victoire des Français à Sainte-Foy. Les deux armées sont épuisées, les vivres et les munitions manquent et on convient que le verdict final appartiendra à celui qui sera réapprovisionné en premier. On sait que les Anglais le seront, mais de peu puisque la flotte française suivra 10 jours plus tard. Elle se repliera ici au fond de la baie des Chaleurs où avec la complicité des Amérindiens et des Acadiens réfugiés, les Français prendront position.
Je laisse le soin
à Parc Canada de terminer ce récit, mais sachez que contrairement à ce qu'on dit, la France n'a pas lâché sa colonie à ce moment et que, au contraire, sa petite flotte s'est battue fort honorablement dans une situation quasi désespérée. Le centre d'interprétation qu'on y trouve est fort intéressant, rempli des trouvailles qu'y on fait les archéologues dans ce qui restait des navires. Et en plus, la vue sur le début de la baie des Chaleurs est fort belle.
Maintenant instruits, il ne nous restait plus qu'à trouver l'auberge de jeunesse où nous comptons faire étape avec nos jeunes cet automne. Il seront en dortoir dans la maison près de la route, mais le prof bourgeois que je suis a déjà réservé sa chambre au Château Bahia, un peu plus haut sur le même site.
Ce n'est qu'une aile de cette folie en plein bois, probablement la plus étrange auberge de jeunesse que j'aie vue. Une belle histoire aussi
racontée par son constructeur. Et après un souper dans un bon petit resto de Carleton, je dormirai dans une tour sous la bruine.
Prochain épisode: Entre Escuminac et Percé, plus ou moins de Kodak.