On se fait les gorges chaudes de ce petit village qui décide naïvement de limiter les comportements des éventuels islamistes qui s’établiraient dans le fin fond de la Mauricie. Ce matin on buche sur un flic qui fait une chanson drôle pas drôle sur l’immigration. Et il y a le sondage bidon du Journal de Montréal, le YMCA à vitres givrées, le kirpan.
Au fond de ces histoires, il y a des choses qui ne sont pas si pas si simples. D’abord tout le débat ou non débat sur le multiculturalisme : jusqu’à quel point une société d’accueil doit-elle faire place aux coutumes des immigrants ? Si on se fie à Neil Bissoondath la voie multiculturelle est utopique, créatrice de groupuscules minoritaires contraires à une intégration sociale. Je connais moins la France, mais là bas on parle d’une égalité républicaine qui est au dessus de tous les communautarismes. Ce qui n’empêche pas l’existence de banlieues où atterrissent les immigrants plus ou moins intégrés et souvent pauvres. Le Québec se vante d’être une sorte de voie mitoyenne, entre l’intégration et la société plurielle, pour parler en curé.
Tout cela est plus facile à dire qu’à faire. J’habite une des seules villes moyennes québécoises à avoir sa part d’immigration. À Sherbrooke, les taxis et les pizzerias sont croates. Il y une communauté latino. Des africains qui gravitent autour de l’université et qui s’installent. Comme les marocains ou les algériens. Deux épiceries asiatiques, trois ou quatre boutiques africaines, des restaurants de toutes les saveurs du monde. Et même un ou deux quartiers presque ethniques. Qui s’ajoutent à une bonne majorité de francophones autrefois venus travailler dans les usines d’une minorité anglophone qui s’étiole.
Est-ce que tout ça s’intègre ? Plus ou moins bien. Intuitivement je dirais que ça dépend de la distance culturelle et du temps. Sachant bien que de telles généralisations sont fausses je dirais néanmoins que les Africains que je connais ont bien des qualités mais rarement celle de la ponctualité et de l’efficacité nord américaine. Ils l’apprennent. Et mon frère, tout souchiste qu’il soit, en a un sens encore plus relatif qu’il n’a jamais appris.
J’avais un ami ivoirien qui m’avait caricaturé encore mieux les choses. Il jouait dans les équipes de foot du coin et me disait à quel point les relations étaient tendues entre les équipes ethniques de la ligue locale. Selon lui les africains avaient un sens artistique du foot, les latinos étaient fougueux et techniques. Quant au yougoslaves ils étaient la terreur de tous parce que très durs et experts en coups vicieux. Et, me disait-il, tout ça sous les yeux d’arbitres québécois bonnasses, trop cools qui ne voyaient rien.
Belle métaphore, peut-être. Mais ce qu’on oublie souvent, c’est que le temps joue. Les enfants de ces immigrants auront l’accent québécois. Les enfants de ces enfants n’auront plus que des noms étranges, une couleur de peau différente. Seront-ils intégrés pour autant ? Probablement pour la plupart. À moins qu’ils ne soient pauvres.
Le vrai danger est là. Il n’est pas propre au Québec. On sait la condition des noirs américains. On sait celle des maghrébins des banlieues françaises. Celle des amérindiens ou celle des pauvres de souche. Et si la pauvreté était un problème facile à résoudre, cela se saurait. Pour le moment on croit que l’éducation, la culture et l’estime de soi aident. Encore faudrait-il que ces éléments soient valorisés ce dont je ne suis pas sûr en regardant la bêtise médiatique et consumériste ambiante.
Dans le folklore des accommodements déraisonnables ou pas, il y avait cette histoire de cours ou de piscines réservées aux femmes musulmanes pour cause de soit disant coutumes. Cela a choqué certains. Pourtant, jusque vers 1968, la mixité était interdite dans les piscines publiques du diocèse de Sherbrooke, selon le vœu de Monseigneur Cabana.
C’était un accommodement raisonnable ?