8 juillet 2010

Statistique et politique

On savait que le gouvernement de M. Harper était souvent imbécile, mais son ministre de l'industrie, l'hilare Tony Clement vient de franchir les bornes de la stupidité de droite. Déjà que ce conservateur social avait éliminé les subventions aux défilés gais de Toronto et Montréal, voilà qu'il se mêle de recensement.

Il a ainsi décidé d'éliminer le questionnaire long du recensement de 2011au profit d'un questionnaire rempli sur une base volontaire par les intéressés. Le prétexte n'est pas loin de celui des ultra-conservateurs du Tea Party américain: ce questionnaire obligatoire en vertu de la loi sur le recensement demande trop de détails sur la vie privée des gens.

Je pense qu'un étudiant du collégial pourrait répondre assez facilement à la question suivante: Sachant que le questionnaire précédent était distribué selon un échantillonnage stratifié aléatoire, quels sont les biais statistiques entrainés par la décision du ministre ? On trouvera une réponse bien étayée dans cette tribune du Devoir.

C'est que ce questionnaire détaillé distribué à 20% de la population permet une cartographie fine des données socio-économiques au code postal près. Données qui font le bonheur des géographes et autres chercheurs mais aussi des municipalités et administrations, en plus évidemment des entreprises qui peuvent bien cibler leurs implantations (ou leur publipostage !). Passent ainsi à la trappe les données sur le revenu, l'éducation, les transports, la langue, les migrations, l'origine ethnique, le logement et aussi évidemment le statut matrimonial, ce qui permettra de ne plus savoir grand chose et surtout pas, par exemple le nombre de couples gais, ce qui gênerait peut-être le ministre.

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La dernière intervention politique dans le recensement date d'ailleurs des libéraux qui avaient décidé d'ouvrir la question traditionnelle sur les origines ethniques permettant d'inscrire n'importe quoi et plusieurs choix, alors qu'autrefois le choix limité permettait par exemple de comparer l'origine française et la langue parlée. On a pu ainsi ne plus savoir le taux d'assimilation alarmant des francophones hors Québec. Et pour avoir joué un peu avec les derniers recensements j'ai pu constater l'apparition d'ethnies nouvelles: canadiennes, québécoises ou acadiennes. Les granos pouvaient même s'inventer une origine amérindienne. Quant à moi, je n'ai pu me déclarer extraterrestre, faute d'avoir reçu le long formulaire.

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Cette décision est triste. Elle entache la réputation d'un organisme, Statistique Canada, qui doit être au dessus de tout soupçon, at an arm length, selon la tradition britannique. Elle montre aussi que les Conservateurs singent ce qu'il y a de pire chez leurs amis républicains dans leur paranoïa anti étatique. 

Elle montre aussi que dans notre société d'information l'ignorance crasse devient vertu. 
Elle permet de mieux mentir.

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