Depuis neuf jours il fait un temps déprimant. Les journées grises et neigeuses alternent avec celles où le soleil ne parvient pas à réchauffer un vent froid, aigre et sec. Tout cela favorise les longues expéditions sur le web. L'autre jour je me demandais ce qu'il restait de visuels de l'Expo 67.
C'est que pour bien des québécois de mon âge c'est un souvenir un peu brumeux mais merveilleux. J'ai eu mes neuf ans dans cet été magique. Une fois la semaine, ma mère devait suivre des cours de mise à jour pour reprendre son métier d'infirmière, elle pouvait caser mes deux soeurs chez ma tante mais que faire des garçons ? Je ne sais trop comment elle a eu l'idée de nous offrir l'expo comme gardienne.
Une fois par semaine nous partions donc de notre lointaine banlieue, seuls, moi et mon frère (10 ans), munis de notre lunch, des tickets de métro et d'autobus et de ce qu'il fallait pour payer l'entrée (1.25$). Des fois, il nous restait assez d'argent de poche pour nous payer les succulents sandwiches du pavillon scandinave, les moins chers du site servis avec des ustensiles de plastique au design ultramoderne.
On avait nos trucs pour couper les files interminables à l'entrée des pavillons: se faire passer pour les enfants d'une autre famille (risqué) ou mieux, entrer par la sortie. Combien de pavillons avons-nous-vus à l'envers ! Nous étions fascinés par les maquettes de toutes sortes elles abondaient chez les soviétiques étaient inexistantes chez les américains. Nous avons joué beaucoup dans le carré de sable blanc du pavillon allemand, passions des heures à lire les Astérix et autres BD au pavillon de la France. Merveilleux souvenirs !
On trouve pas mal de traces de l'événement sur le web, beaucoup de prises de vues externes mais peu de choses de l'intérieur des pavillons. Imaginez donc ma joie de revoir un bout d'une visite du pavillon du téléphone, extraite d'une émission de radio canada qui étrennait la couleur cette année là:
Ah que c'était moderne ! Il y avait même un visiophone ! Ce que l'extrait ne dit pas c'est que ce pavillon avait l'un des clous de l'expo, ce fameux film 360° qui célébrait le centenaire du Canada.
Quand on voit toute la modernité que célébrait cet événement on est toujours surpris du contraste avec notre temps plus amer. Comme si le merveilleux a fait place à une sorte de saturation, d'overdose et se replie vers une nostalgie envahissante qui avale maintenant le passé en le restituant sous une forme insipide, stérile et bien pensante.
À croire qu'à force de restaurer, de ravaler il nous faudrait oublier que le monde a déjà été différent.