Je trouve un peu dommage que les médias ici aient peu repris cette histoire qui agite encore le paisible état du Wisconsin. On sait que son nouveau gouverneur, sous prétexte d’équilibre budgétaire, a voulu mettre fin aux droits syndicaux des employés de l’État considérés comme indument privilégiés (sauf bien sûr les flics et les pompiers!) . Vous avez sans doute vu le cirque qui en est découlé : manifs des employés qui occupent le capitole local, fuite des sénateurs démocrates pour empêcher le quorum et ainsi bloquer la loi que le gouverneur a réussi tout de même à faire adopter par une entourloupette procédurale. Notons également au passage que la situation financière du Wisconsin n’était pas assez critique pour empêcher que le même gouverneur Walker n’y diminue les impôts sur les entreprises.
En marge de ce débat, William Cronon, grand pionnier de l’histoire environnementale et professeur à l’université d’état du Wisconsin, y va d’une tribune publiée dans le New York Times. Il y souligne à quel point cet homme va complètement à l’encontre des traditions de cet État qui a été le seul à voter contre Reagan en 1984, quoiqu’il ait aussi engendré le sénateur McCarthy, ce qui en l’espèce, est prémonitoire.
En réaction à cette tribune ou pas, voilà que le parti républicain du Wisconsin se prévaut de la très généreuse loi d’accès de l’information de l’état pour demander copie de tous les courriels que le professeur Cronon a envoyé de son compte à l’université et pouvant contenir des mots clés associés au conflit en cours. La manœuvre est grossière, il s’agit de décrédibiliser l’auteur en prouvant qu’il s’est servi des outils de son université publique à des fins partisanes.
La réaction du professeur est digne, il s’en explique dans un long message de son blogue que je vous invite à lire. Il y a là bien sur la notion de liberté académique, celle de la confidentialité du courrier etc. Inutile de dire les réactions indignées des milieux universitaires et bien sûr celle des républicains qui persistent et signent.
Là où la chose devient plus inquiétante, c’est qu’en faisant ses recherches le Pr. Cronon est tombé sur une association d’élus de droite qui vise à coordonner le passage d’une armada de lois visant un retour à un conservatisme économique pur et dur. En bon professeur, il a proposé une activité hautement pédagogique dans son blogue. Je vous invite à la suivre.
Que conclure de tout ça ? Tout d’abord, la contradiction fondamentale entre une droite qui hurle à l’État Léviathan et pour qui, par exemple, les recensements sont une invasion inacceptable de la vie privée et qui, en même temps, utilise des procédés pire que ceux qu’elle combat pour arriver à ses fins. Difficile en même temps de ne pas y voir une attaque concertée contre tous les mécanismes de l’état providence, contre l’état redistributeur de richesses bref contre tout ce qui avait pu rendre le capitalisme plus égalitaire et plus supportable à tous.
Et naïf qui pense que cela ne concerne que nos voisins du Sud. Les frontières sont poreuses aux idées, on en a un bon exemple au fédéral.
P.S. Et contrairement à la plupart des blogueurs, j'ai lu son livre sur l'histoire environnementale de la Nouvelle-Angleterre ;-) C'est un ouvrage majeur et pionnier.
5 commentaires:
Merci infiniment pour votre blogue, vos idées et ces liens. J'ai été lire le blogue du Prof. Cronon et je ne me suis rendu compte qu'après coup (après avoir terminé la lecture de votre entrée de blogue) que ce Prof. Cronon est le même qui a écrit un de mes livres préférés à vie, celui que vous mentionnez, Changes in the Land. J'habite près de la frontière du Vermont et je trouve totalement fascinante son analyse historico-écologique d'un territoire qui ressemble tellement au nôtre.
Merci bien de vos commentaires et de vos compliments. Effectivement le travail de Cronon est admirable et mon intérêt pour lui est venu d'une recherche que j'aurais aimé faire sur la genèse du paysage du paysage des Cantons de l'est, C'était le thème prévu de mon éventuel doctorat mais la vie et et un bon emploi en ont décidé autrement. J'attendrai la retraite pour m'y remettre ;-)
J'aimerais bien connaître le point de vue de tes étudiants là-dessus. Pas sûr qu'ils soient conscients de ce qui se passe.
A lire ton titre, j'ai cru que tu allais parler de la France....
@Gérald Bonne idée, je vais tenter d'en parler.
@Clayste Non, la vôtre implose, mais ce n'est pas réjouissant non plus elle gagne aux extrêmes.
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