Les grands froids d’hier on fait place à une petite neige. La rivière Saint-François devient une abstraction, tracé noir et géométrique au milieu de la gangue blanche de ses deux rives. J’ai beaucoup souri hier à la panique médiatique. Oui, il faisait moins trente-deux le matin. So what ? On appelle cela l’hiver au Québec et il me semble qu’on a toujours deux ou trois vagues de froid semblables entre décembre et mars. Et ça dure parfois plus d’une semaine. Juste embêtant pour aérer l’appart maintenant que j’ai réarrêté de fumer. Profitons-en pour durcir l’exercice : rédaction d’un texte sans boucane. Une seule feuille aujourd'hui, peut-être d'amélanchier.
Ah le docteur Ferron ! Curieusement, le premier livre de lui que j’aie lu ne m’avait pas impressionné plus qu’il ne le faut. Je l’ai lu dans un cours de roman au cégep, vers 1978 et il était obligatoire. Les roses sauvages est un livre triste, dans la veine où Ferron regarde des gens de peu décrocher lentement du monde. Je ne savais pas qu’au même moment l’auteur faisait la même chose. Pourtant Ferron était une célébrité à Longueuil. Le fondateur du parti Rhinocéros habitait à deux pas de mon gros cégep et j’avais même eu la curiosité d’aller voir son bureau de médecin, sur le chemin Chambly.
C’est peut-être vingt ans plus tard que j’ai redécouvert son œuvre. D’abord les Escarmouches, recueil des ces historiettes et autres articles qu’il a multiplié dans les journaux. J’y ai savouré son ironie parfois féroce qui savait mordre les élites là où ça fait mal. Mais j’ai surtout lu un des plus grands connaisseurs de l’âme québécoise. Il a su la sortir de son empaillement folklorique catholique-français pour la montrer diverse, métissée de touches irlandaises ou amérindiennes, britannisée aussi par les écossais et les anglais, toujours franchement amériquaine. Il a su aussi aller derrière le décor du Québec des gros villages de pour trouver celui des écarts, celui des hommes libres qui savent voir que la vanité des élites politiques et religieuses n’est rien d’autre que le masque commode que se donne un peuple profondément inquiet, parfois rebelle et qui se tait pour survivre dans un pays incertain. On le sent parfois désolé de voir ce peuple s’anesthésier dans le confort de la grande banlieue universelle. Je pense qu’il n’a pas tort.
J’ai parlé souvent de Ferron dans ce blogue, son plus grand livre est sans doute Le ciel de Québec, récemment réédité en poche à la bibliothèque québécoise. L’édition est heureusement annotée, ce qui permet de savourer toutes les clefs, tous les clins d’oeil qui fourmillent dans le récit. Ce n’était pas le moindre talent de cet écrivain que de savoir distiller dans ses livres sa connaissance encyclopédique et pratique du Québec. Les études ferronniennes sont encore très vivantes, on en a l’écho dans ce très vaste site qui lui est consacré. On y trouve quelques historiettes, ce qui ne gâche rien.
2 commentaires:
Bonne année en passant, sans fumée. Pas facile de lâcher la droille. Mais continue. Et merci de maintenir ton blogue. Moi j'aime.
Merci pour l'adverbe «heureusement» !
P. C., l'annotateur !
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