21 mai 2006

24 heures ou moins

Après une brève éclaircie, le temps est revenu à son aspect normal des derniers jours : pluvieux, venteux et frais. Le jardin était à son apogée printanière mardi dernier où j’ai pris cette image.

Depuis, je me suis réencabanné dans les livres. Continué d’explorer Marcel Aymé en dévorant Les tiroirs de l’inconnu, belle prescience de l’époque qui est la nôtre. Je m’attaque maintenant à l’histoire de la maison québécoise de Paul-Louis Martin, question d’enrichir la réécriture du mémoire.

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J’ai également eu le plaisir de recevoir un abonnement au service expérimental Cinéroute de l’ONF. On est loin d’avoir accès à tout leur riche catalogue, mais il y a de quoi meubler quelques journées pluvieuses. Ainsi, j'ai exploré les oeuvres de ce cinéaste mythique au Québec qu’est Gilles Groulx. C’est vraiment un cinéma d’auteur, étrange, expérimental mais pourtant prémonitoire.

J’ai revu son célèbre 24 heures ou plus, film militant tourné en 1971, censuré par l’ONF, qui en a retardé la sortie à 1976. Censure bien inefficace puisque je l’avais vu en vidéo au cégep avant sa sortie officielle. Le film m’avait marqué par sa qualité et sa vérité mais son ton gogauche m’avait agacé à l’époque, pris que j’étais dans les magouilles des groupuscules M-L, trotskystes et autres qui cherchaient à contrôler les associations étudiantes.

Revoir ce film trente ans plus tard, à tête reposée, m’en a fait encore plus apprécier ses qualités filmiques. Le montage est nerveux, l’alternance couleur/noir et blanc efficace. La musique du groupe Offenbach, planante. Quant au propos, le temps a fait son œuvre et on se rend compte que ce Québec du temps est loin de l’actuel. Voir Claude Beauchamp futur fondateur du groupe Transcontinental (Publisac, Les Affaires, etc.), délégué syndical CSN de La Presse s’en prendre à son patron Desmarais est ironique. Et est-ce bien Alain Dubuc qu’on voit opiner derrière Michel Chartrand ?

Bernard Derome est déjà là. Grand et bon témoignage d’une époque.

Sur le fond, on se rend compte que bien des réformes sur le droit du travail ont été faites. Que les problèmes de santé et sécurité au travail sont probablement moins épouvantables, remplacés par la précarité. Les tensions ouvrières de l’époque se sont aussi apaisées dans la concertation péquiste. Elles se sont noyées depuis dans la mondialisation. Je serais curieux de voir aujourd’hui en version comparée ce long plan séquence du début qui traverse, en train, le vieux quartier industriel du Sud-Ouest de Montréal. Que d’usines fermées ! Que de condos pour jeunes guerriers de la nouvelle économie en vue !

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Comment faire en 2006 le même portrait réaliste social de Groulx ? Il faudrait trouver un noble producteur du plateau, bien vu de la SODEC ou de Téléfilm Canada ou de tout autre subventionneur. Prévoir des pauses publicitaires pour le diffuseur télé. Gommer les scènes trop longues, trop réelles, pas assez glamour. Se faire accompagner d’un pédant médiatique. Abuser des gadgets techniques et des plans croches. En un mot, faire de la télé.

Normal. Elle est devenue la réalité.

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