C’est insidieux. Mais force est de constater que depuis quelques années les grands médias deviennent de plus en plus insignifiants. Je ne parlerai pas de la télé, je l’écoute peu et disons que les grands réseaux n’ont jamais brillé pour leur contenu depuis longtemps. Il est loin le temps où la télé de Radio Canada programmait du théâtre classique le dimanche soir. Quant au privé, n’en parlons pas.
Il m’est longtemps resté la radio. Celles de Radio Canada Première chaîne et l’ex chaîne culturelle devenue Éspace musique. La première se maintient et elle doit à la qualité de ses animateurs, variable selon les goûts et les équipes de recherche. La deuxième a déjà fait son virage liquidant les émissions de création et de contenu pour devenir essentiellement musicale. Si au début la programmation musicale demeurait éclectique, il me semble que les créneaux musicaux se referment tranquillement au profit d’une sorte de pop plus ou moins alternative.
Pis encore, Espace musique liquide tranquillement ce qui lui reste d’animateurs compétents et originaux. Je pense à Chantale Jolis quoique dans son cas la maladie puisse expliquer son retrait. Mais voici que pour des raisons nébuleuses, on se débarrasse de Dan Berhman. Ce spécialiste du blues et des musiques du monde qui a été longtemps tourneur apprécié faisait mon bonheur les soirs de fin de semaine. Il avait un ton, une manière bien à lui de présenter des musiques qu’il aimait. Et voilà que j’apprends par Facebook qu’il disparaît des ondes. On le remplacera par un quelconque disc jockey insipide, qui nous serinera les éternelles actualités artistiques et nous demandera aux demie heures de lui écrire par le site web d’espace musique. On comprend ces animateurs d’avoir besoin de courriels pour se désennuyer de leurs propres émissions.
Au final, on se retrouve avec une radio sans âme, trop lisse et finalement ennuyeuse. Disons une sorte de rock matante pour intellos plateauiques.
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Changeons de média. Comme tout québécois qui se respecte, je lis le Journal de Montréal au restaurant. Entre les années 1970 et disons 2000, j’ai vu tranquillement le tabloïd sensationnaliste devenir un meilleur journal. Toujours populiste certes, mais les chroniques de Michel C. Auger et de tant d’autres mettaient de la chair autour de l’os des trois S (Sang, sexe et sports) qui sont le fond de commerce des journaux du genre.
Mais voilà que depuis que le fils Péladeau a succédé à son père, on sent un retour vers une insignifiance et surtout une démagogie inquiétantes. Il y a bien sûr le tartuffe Martineau, modèle de clown dans le genre. Depuis le lock-out cette dérive à droite ne fait que s’accentuer. Va sans dire que le conflit a fait s’éloigner les chroniqueurs de gauche. Mais au-delà des circonstances quand même étonnant de voir à quel point le journal de Montréal devient le journal de l’Institut économique de Montréal, think tank de la droite patronale pure et dure.
Tout d’abord deux de ses dirigeants y tiennent chronique et lire que de payer des impôts est un esclavage me laisse un certain malaise. À ce titre, se soumettre aux quatre volontés d’un patron le serait aussi aussi. Et dire que seuls les entrepreneurs créent la richesse, c’est négliger toutes celles créées par l’éducation et la santé. Mais je m’éloigne de mon propos.
La dérive à droite du journal l’empire Québécor se reflète surtout dans les choix éditoriaux des derniers mois. À pleines pages, on nous épouvante sur le délabrement des finances publiques, les gaspillages de l’État, les bonis aux cadres de l’État. On parle moins de ceux des cadres des entreprises qui servent de modèle à la fonction publique.
Et voilà que Québécor débauche l’ancien directeur des communications de M. Harper pour gérer le bureau de Québécor média à Ottawa et éventuellement développer une sorte de FOX News version canadienne anglaise. On connaît la recette : l’État c’est mal, l’impôt c’est du vol, on manque de flics, bref toute la démagogie qui fait la fortune des radios populistes de Québec.
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C’est là où ces manœuvres m’inquiètent. Qu’on le veuille ou non, ce discours ambiant influence réellement l’opinion. Il explique au moins partiellement l’étrange comportement politique de la région de Québec. La mentalité individualiste qui le sous-tend entre parfois en collision avec l’intérêt collectif. Il n’y a qu’à voir l’ironie de la nouvelle de ce matin : Après avoir fait carrière sur le dos des transports collectifs voilà que le maire Labaume vient de se convertir aux vertus d’un tramway à Québec. L’ex maire L’Allier en avait proposé un, ce qui avait soulevé la colère des gars de char et accéléré la déconfiture de son parti aux municipales et la montée du même Labaume.
Des années plus tard, on se rend compte que ce n’était pas une si mauvaise idée. C’est le problème du démagogue. À ne pas voir plus loin que son nez, il fait perdre du temps à ceux qui voient plus loin. Qui voient les réserves de pétroles se tarir. Qui comprennent que les gaspillages de la vie du consumériste ne sont tout simplement pas viables à long terme.
Au fond, ce qui me choque le plus dans tout ça, c’est l’amoralité de ceux qui profitent de ce système. Les populistes de droite font des fortunes à maintenir dans l’ignorance leur bon public. Leurs marketeux sont heureux de vendre n’importe quoi en tirant toujours plus bas, vers l’instinct plus que la raison. Et surtout ne jamais s’adresser à l’intelligence.
Elle n’est pas rentable.
1 commentaire:
Fort bon propos, juste, tant pour Radio-Canada, le Journal de Montréal, et la Ville de Québec.
Ici, à Québec, sans la radio de Radio-Canada, ce serait une catastrophe. Le populisme "mur à mur" par certaines radios leur donne des millions de dollars en pub. Les "politiques" locaux naviguent entre populisme et vision d'avenir. La droite ? N'insistons pas.
Mais je parie que la Vérité va triompher.
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