15 novembre 2009

La qualité de la langue chez les cégépiens : so what ?

Encore une fois cette semaine le choeur des pleureuses sur le triste sort du français dans nos écoles a eu de quoi s’épancher. Je commence à être un peu agacé. Non pas que je conteste le verdict, je le constate à chaque jour. Beaucoup de cégépiens écrivent mal, n’ont pas de vocabulaire, etc. Ce qui m’agace un peu dans tout ça, ce sont les amalgames.


On a sûrement dit que c’est la faute à la réforme, alors que précisément la première cohorte des étudiants réformés n’arrive que l’an prochain. De toutes façons l’insignifiance des textes à lire en français au secondaire était déjà mon lot il y a trente ans, comme les expériences pédagogiques foireuses. Était-ce mieux avant ? Les bons vieux collèges classiques ne scolarisaient qu’à peine 20% des jeunes, aujourd’hui ils sont plus que 60% à terminer l’équivalent qu’est le collégial. Et sauf erreur, le Québec de 1960 avait encore 20% d’analphabètes. Pas si mal au fond.


Alors où est le problème ? Foglia y va de son sermon habituel, c’est l’effort qui manque. Vrai, beaucoup de jeunes ne font pas tellement d’efforts, se contentent du service minimum et préfèrent faire autre chose que d’étudier. Travailler par exemple. Dans mes classes, la proportion en est toujours autour de 80%. Je dis d’ailleurs souvent aux étudiants que si ils faisaient grève en ne travaillant plus au lieu de boycotter leurs cours, leurs moyens de pression seraient plus efficaces. Il n’y aurait ni fast food, ni dépanneurs, ni commerces ouverts le soir et les fins de semaine. À leurs 22 heures de cours, autant en étude (en principe ), ils en ajoutent donc 15 à 20 au boulot. Paresseux les jeunes ?


Leur est-il si nécessaire de travailler ? Suis moins sûr. Sans doute pour les plus pauvres, mais pour beaucoup c’est aussi une façon de s’intégrer à la société en consommant comme on leur montre à la télé. Ou parce que leurs parents ont trop à dépenser en bébelles pour soutenir les études de leurs jeunes.


Revenons à ce test. Quels sont ses objectifs ?


« Le but de l’épreuve uniforme de français est de vérifier que l’élève possède, au terme des trois cours de formation générale commune en langue d’enseignement et littérature, les compétences suffisantes en lecture et en écriture pour comprendre des textes littéraires et pour énoncer un point de vue critique qui soit pertinent, cohérent et écrit dans une langue correcte.

L’élève doit démontrer qu’il possède les compétences suivantes :

la capacité de comprendre des textes littéraires;

la capacité d’énoncer un point de vue critique pertinent, cohérent et convaincant;

la capacité de rédiger un texte structuré;

la capacité d’écrire dans un français correct. »


Constat: il s’agit d’une dissertation où ce qu’on mesure n’est pas tant la compétence en écriture que la capacité de comprendre un texte littéraire. Que cela soit essentiel pour aller à l’université passe toujours. Mais que ce soit essentiel pour être diplômé en sciences infirmières, en techniques policières ou en génie civil me semble moins évident. Certes, j’aime qu’une infirmière soit capable de lire Descartes, mais je lui demande surtout de me piquer au bon endroit et sans douleur. On comprendra que lui faire rater son diplôme parce qu'elle ne maîtrise pas la ponctuation serait un énorme gaspillage de talent, de temps et d'argent donné à sa formation.


Au fond, nous rêvons tous qu’à la fin de ses études un élève soit un citoyen complet informé, cultivé et responsable. Mais où sont les modèles ? À la télé ? Chez les démagogues à la petite semaine des radios-poubelles ? À Star Académie ? Dans le monde décervelé des idéaux publicitaires ?


On en vient à se dire que vue la pourriture et la médiocrité médiatique ambiante, il est miraculeux que 82% des étudiants du collégial soient encore capables de comprendre un texte littéraire.


Et leurs parents ?

7 commentaires:

Hortensia a dit...

C'est très juste.
J'endosse tout à fait votre point de vue, en particulier la fin de votre texte. J'en ai tellement marre de lire des gens qui ne savent pas de quoi ils parlent.

magoua a dit...

Merci du commentaire c'est en effet désespérant de lire et d'entendre n'importe quoi là dessus.

Anonyme a dit...

Ce n'est pas la faute de la réforme, mais il y a de bonnes chances que la réforme n'aide pas...
Quoi qu'il en soit, je me souviens m'être intéressée à la question de l'enseignement du français alors que j'étais encore sur les bancs de l'école secondaire. Déjà, il y a une quinzaine d'années, les résultats étaient désastreux. Ce qui m'amène à me demander s'ils ont déjà un jour été bons... Je crois personnellement que si une grande partie du problème réside dans la non-valorisation de la langue dans les espaces publics les plus fréquentés, dans sa non-maîtrise par des personnes bien en vue (bien en ouïe?), une grande partie du problème réside dans l'enseignement de la langue, dans la formation des maîtres, dans leur capacité à transmettre non seulement la matière mais aussi l'amour de la langue.

Anonyme a dit...

Je voulais dire "une autre grande partie du problème réside dans..."

magoua a dit...

Vous avez bien raison chère anonyme, j'ai vu l'autre jour sur you tube une archive du frère Untel qui déplorait la langue des étudiants québécois à la fin des années 1950. Et la solution est la même: aimer et faire aimer la langue et la faire pratiquer aux jeunes.
C'est la base du métier de prof.

Anonyme a dit...

C'est la base du métier de prof, effectivement... J'enseigne actuellement le français langue seconde à des immigrants adultes, et je garde toujours cela en tête: aimer et faire aimer la langue. Je passerai éventuellement au français langue d'enseignement, j'en suis certaine, le défi est trop tentant: essayer de faire aimer la langue française à des francophones qui n'en ont que faire. Je crois qu'à beaucoup de personnes, la langue française apparaît très rébarbative... Et pourtant, je suis certaine que pour beaucoup, il ne suffit que de l'apprivoiser, tranquillement. Ce n'est pas la plus difficile des langues, et je crois que sa mauvaise réputation auprès de ses propres locuteurs dresse une barrière telle qu'elle ne donne pas le goût de la surmonter.
http://imaginezautrechose.wordpress.com

Anonyme a dit...

Excellent commentaire. J'abonde dans le même sens. Ce qui m'effraie le plus dans tous ça, c'est le dogme de la maîtrise du français comme mesure absolue de la réussite et de l'intelligence. Ça, et la répétition ad nauseam que « c'était bien mieux avant ».