Il y aurait plein de sujets à traiter aujourd’hui. La simple lecture du Devoir m’en suggère plusieurs. Cette série d’articles et ce sondage qui disent que sur la constitution canadienne, le Québec et le ROC sont sur des directions opposées. Mais ça, on le sait depuis longtemps. Un excellent dossier sur la politique albertaine nous ramène finalement au même sujet, sinon pour dire que si l’Alberta est riche de son pétrole, elle oublie tout ce qu’elle a reçu pour le développer et que son attitude finalement très à droite nous promet quelques collisions.
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Mais comme je suis en pleine corrections, c’est plutôt la série d’articles de Foglia sur l’éducation qui me titille le plus. C’est un sujet où d’ordinaire il me ravit et m’exaspère. Il m’exaspère dans sa condamnation aveugle de ce qu’il est convenu d’appeler la réforme. Il me ravit souvent aussi quand il parle de l’effort que suppose l’éducation, de sa vocation à transmettre ce qu’il appelle aujourd’hui la culture générale. C’est une notion bien vague que les savants pédagogues cachent trop souvent sous des concepts peut-être plus précis mais qu’ils sont seuls à comprendre.
Il est à cet égard beaucoup plus nuancé aujourd’hui. Il y va même d’un plaidoyer pour les formations techniques, un domaine largement méprisé par les élites médiatiques et autres, où on est pourtant en grave pénurie de main d’œuvre. Un secteur où finissent par aboutir la plupart des décrocheurs, une fois qu’ils se rendent compte que la job qui les libérait à leur adolescence devient une impasse à bas salaire. Et pour avoir donné quelques cours dans ce type de formation, c’est rafraichissant pour un prof d’avoir des classes peut-être pas toujours brillantes mais motivées et curieuses, ce qui change des certains cégépiens ou universitaires moins souvent aussi allumés.
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Revenons à la culture générale. Savoir lire, comprendre le monde, c’est l’échec de nos écoles dit Foglia : « Tout ce que je sais, c'est qu'on trouve aujourd'hui dans les universités une majorité d'étudiants qui vont y chercher des connaissances «utiles» à leur réussite sociale, sans rien avoir de cette culture générale. » Je constate aussi que les étudiants ne s’intéressent pas tellement à d’autre chose qu’à ce qui leur est utile. Sauf peut-être au hockey.
En ce sens, l’école reflète la société dont elle est issue. Abreuvée de télé, de médias de plus en plus spécialisés, elle atomise de plus en plus la trame du sens commun qui s’effiloche. Ça fait marcher un système qui veut des consommateurs qu’on peut cibler selon leurs intérêts préprogrammés. Ça rassure le patronat, les marketeux, les banquiers, les parents et les étudiants eux-mêmes. Et la normalisation des techniques d’apprentissage fait vivre des facultés d’éducation entières.
Depuis que j’enseigne, je prends tous les moyens pour ouvrir des horizons à mes jeunes, quitte à railler gentiment leurs obsessions utilitaires, facebookiennes ou hockeyeuses. J’aime les déstabiliser. Cette semaine, je l’ai passée à me balader en ville avec mes groupes. À leur faire observer des choses inutiles qui ne seront même pas à l’examen. À leur conter une très belle fable dans la superbe chapelle de l’Université Bishop's.
Je ne crois pas avoir appris grand chose d’utile à mes jeunes. Simplement à regarder le monde où ils sont. À lire leur environnement. Depuis vingt ans que je pratique ce genre d’excursions je sais que malgré que cela ne serve à rien, ils m’en sont toujours reconnaissants. Je crois que dans les facs d'éduc. on appelle cela de la métacognition
Je pense que j’ai fait mon travail.
À eux de transmettre et de continuer.
5 commentaires:
Je viens d'envoyer ton texte à un de mes neveux, jeune enseignant. Te tiens au courant.
C'est donc partout pareil! Ça fait plaisir de lire un tel billet. Des années après, lorsque je rencontre un ancien élève, ce dont il se souvient le mieux et qui l'a davantage marqué, ce sont les voyages que nous avons faits. Tu vois: rien n'est perdu!
@Gérald envoie je sème à tout vent ;-)
@ Calyste Ce sont les mêmes jeunes humains , le contexte seul est différent. Un beau métier qund même, s'agit de ne pas perdre espoir
Très bonne idée que ces excursions en ville pour apprendre à voir le monde, à s'y intéresser! La curiosité, c'est ce qui devrait être développé chez les 'jeunes' afin qu'ils prennent leur propre apprentissage en charge, sans toujours sentir qu'ils sont 'obligés' de faire ce que l'enseignant leur demande. Sortir des sentiers battus, tout un défi!
En lisant l'article de Foglia l'autre jour, j'ai eu l'impression de lire l'article d'un journaliste qui s'apprête à prendre sa retraite, en disant '' j'ai écris 20 000 chroniques sur le sujet, mais aujourd'hui voilà ce que j'aimerais que vous reteniez avant que je parte''... drôle de feeling.
De toute façon, au Québec, j'ai souvent l'impression que lorsqu'on fait preuve d'un peu plus de culture générale que la moyenne, on est vite catalogué comme 'intello', avec le mépris qui vient avec... les gens acceptent mal que d'autres en sachent plus qu'eux (complexe d'infériorité mal placé selon moi), au lieu de s'intéresser à ce que les autres ont à partager.
Tu as raison Jonathan, du seul fait de sortir dehors ça oblige les étudiants à être plus aux aguets, ils sont donc plus ouverts à apprendre des choses, ce qui est toujours déstabilisant.
Quant Foglia, j'ai eu la même impression que toi et effectivement l'anti intellectualisme est toujours bien porté dans nos écoles.
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