Il devait être 10h 30 hier soir quand je me suis couché, trop endormi pour attendre la fin officielle de l’élection américaine dont le résultat était déjà évident. Toute la journée, je naviguais entre deux intuitions sur les résultats. Soit une heureuse surprise et un raz-de-marée démocrate au-delà des espérances, ou, au contraire, une victoire d’Obama un peu plus en demi-teinte. Levé trop tôt ce matin, je n’ai pu constater qu’un résultat plus près de ma deuxième idée.
En bon québécois qui aime les louseurs, j’ai commencé par écouter le discours de concession de McCain Un discours généreux, ouvert et rassembleur, digne de cet homme que je ne peux m’empêcher de trouver sympathique. Et pourtant, on sentait la hargne de son auditoire qui ne se gênait pas pour huer à chaque fois le le nom de l’adversaire honni était prononcé. Réflexe fanatique que l’inconsciente Palin a su si bien attiser ces derniers mois.
J’ai écouté ensuite le discours victorieux et noble d’Obama. Il était émouvant, à la hauteur du grand orateur qu’il est. Mais est-ce moi ? Il me semble que je l’ai vu presque agacé vers la fin quand la foule reprenait comme une incantation guerrière le yes we can qui revenait en refrain dans sa péroraison ? Et si cette victoire n’était pas si triomphale ?
En bon géographe, je retourne donc aux cartes. À celles si bien faites du New York Times qui m’ont accompagnées hier soir dans ma soirée électorale, mes quelques échappées vers les réseaux n’ayant que confirmé mon allergie au clinquant et à la superficialité télévisuelles. C’est que ces cartes ont quelque chose que la plupart de celles que j’ai vues n’ont pas : la profondeur du temps. On peut y comparer les résultats depuis 1992. Et comme aux USA all politics are local voici celle du vote d’hier par comtés :
Et voici celle de la deuxième élection de Clinton en 1996 (celles de 1992 et de 2000 sont assez semblables)
Et c’est là que s’éclaircit mon analyse : Obama et les démocrates avec lui n’ont pas su rejoindre l’Amérique rurale profonde hors de la Nouvelle-Angleterre et de la région des Grands-Lacs, ce que Clinton avait réussi à faire. Il lui faudra donc aller vers ce terrain probablement pas naturel aux démocrates. Je lui souhaite d’être à la hauteur de ce grand défi : la crise qui s’en vient est profonde et les Etats-Unis que lui laissent le calamiteux Bush sont affaiblis.
Espérons qu’il sache construire des ponts qui aillent quelque part, les autres étant une spécialité de l’Alaska.
6 commentaires:
J'abonderais dans le même sens. Obama a probablement renforcé ses appuis sur les deux côtes sans pour autant pénétrer le pays de l'intérieur. Peut-être a-t-il été victime de la "prime à l'urne", cette clientèle de voteurs qui changent d'avis à la dernière minute et qui revienne avec leur allégeance naturelle.
Mais il est fort, cet homme. Je ne serais pas étonné qu'il répète le même exploit aux prochaines élections. Sinon mieux.
Je sais, un an en politique c'est une éternité. Que dire de 4 ans???
Ce ne sera pas facile, mais je souhaite de tout mon coeur qu'il y parvienne.
Les États-Unis ont besoin de se retrouver là ou ils excellent: souvent naïfs et maladroits mais parfois généreux et toujours pragmatiques.
Je trouve votre analyse assez juste mais je voudrais ajouter que vous comparez des cartes, des résultats qui ont pour point de départ (excusez mon vocabulaire peu sophistiqué en la matière) des termes assez différents: Clinton venait du Sud et il était blanc. Il avait cet avantage sur Obama. Vu le précédent qu'il a créé (premier président métis), si on peut regretter la polarisation attendue des votes (bleu sur les côtes et dans les villes, rouge au centre), on ne peut pas lui en vouloir, c'est tout un exploit quoi qu'il en soit! Bien que la comparaison et la réflexion que vous en faites soit juste, je ne pense pas qu'on pouvait attendre d'Obama les mêmes résultats qu'un Clinton, non?
Il est bien vrai qu'on voit le centre des USA peint en rouge foncé contrairement à l'élection de 1992. Ceci vient renforcer dans mon esprit l'idée qu'il existe toujours, élection après élection, 2 USA: l'une progressiste et intellectuelle, l'autre conservatrice et rétrograde. Au moins c'est la 'bonne' qui a pris le dessus (pour cette fois-ci!).
@ Patrice, en effet Clinton étant blanc du Sud cela explique probablement sa meilleure performance sur Obama. Je ne veux d'ailleurs surtout pas sous-estimer la portée de sa victioire, d'autant que cet homme semble avoir de grandes capacités de rassembleur.
@atomicjonas il y a du vrai dans ce que tu dis mais je nuancerais beaucoup: est-ce l'âge ? mais en vieillissant on voit moins les choses en noir et blanc et plus en teintes de gris. J'ai trop lu Philippe Murray pour ne pas me méfier des bonnes intentions de gauche, si bonne soient-elles.
magoua: je vois ce que tu veux dire par les teintes de gris, mais il y a tout de même des tendances... en même temps Obama c'est vraiment ça la gauche? (tout dépend dans quel pays on se trouve, mais ça c'est un autre débat...)
Je fais probablement parti de ce qu'on appelle la 'gauche caviar'; mon sort n'est pas à plaindre, je suis instruit et j'aurai certainement un bon boulot après mes études, mais je ne peux m'empêcher de prôner des valeurs d'ouverture, d'altruisme et de sécurité sociale, ce que je ne pense pas voir dans le discours de l'ultra-libéralisme et du conservatisme (religieux ou autre).
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