Je viens juste d’éteindre la radio. Au moment même où Le Bigot ordonne à sa chroniqueuse de cesser de rendre compte du point de vue du pauvre prof de cégep qui a été lynché médiatiquement et politiquement cette semaine pour le crime d’avoir suggéré une approche plus qualitative à la correction de l’épreuve uniforme de français. Ça a pris exactement trois mots de vocabulaire à peine spécialisé en pédagogie pour qu’avec un gros rire épais il lui demande de passer à autre chose.
Ce monsieur Berger a en effet commis une grave erreur. Contredire les médiatiques. Qui n’ont évidemment ni lu son document ni tenu compte du contexte dans lequel il s’inscrit. Sa réponse dans le Devoir est digne et vaut la peine d’être lue en entier.
Je reprends ici sa conclusion :
«Ce que je retiens de cette singulière situation, c'est qu'il est toujours utile de prendre le temps d'aller à la source de l'information avant de juger d'une chose étonnante rapportée par les médias. C'est ce qu'à peu près personne n'a fait en ne se donnant pas la peine de lire la totalité du document de travail que j'ai soumis au MELS avant d'émettre des commentaires. On aurait alors pu s'apercevoir que je proposais une approche qui doit tenir compte des fautes.
À part quelques rares lecteurs et le chroniqueur Christian Rioux dans l'édition d'hier du Devoir (ça prenait peut-être un regard de l'étranger!), on a plutôt préféré profiter de l'occasion pour déverser un fiel aussi malsain que mesquin contre les institutions, les «fonctionnaires» et les «pédagogues», au prix de ma crédibilité, de ma dignité et de ma liberté.
Tout cela n'est-il pas là le symptôme d'un malaise qu'on a peine à nommer au Québec?»
En effet. A force de parler de vraies affaires, on oublie que le monde est complexe, nuancé et on en vient, sous prétexte de simplifier, à tomber dans un simplisme qui précisément abolit la pensée. Il suffit d’avoir corrigé une pile de copies pour comprendre qu’une évaluation si chiffrée ou objective qu’elle prétend être contient toujours une part de subjectivité, ne serait-ce que dans le choix des éléments à évaluer.
En géographie dans les années 1960-70 on est tombé dans ce piège d’utiliser les méthodes quantitatives sous prétexte de plus grande scientificité. On en est revenu un peu aujourd’hui sachant que ce qui est humain contient toujours une part d’irrationnel, de subjectif et de qualitatif, justement. Ça a l’inconvénient de ne pas être digestible par les machines. Médiatiques ou autres. Le monde y veulent des chiffres. On appelle ça de la quantophrénie.
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Quant au fétichisme des bonnes vielles méthodes, je ne puis m’empêcher de constater que dans les piles d’examens de cégépiens que j’ai corrigés cette semaine j’ai rarement vu aussi peu de fautes. Moins que chez les universitaires. Les premiers ont appris la nouvelle grammaire, les seconds l’ancienne.
The proof is in the pudding ?