11 décembre 2005

On a les analphabètes qu'on mérite

Un ami m’envoie la chronique de Foglia (accès $) qui commente les résultats assez désastreux d’une enquête de Statistique-Canada sur l’alphabétisation et les compétences des adultes. Il constate que plus de la moitié des canadiens et des québécois sont incapables de trouver une information dans un texte simple et en profite pour y aller de son couplet habituel sur le retour aux bonnes vieilles méthodes, à la culture générale etc. Et évidemment bûcher au passage sur la réforme scolaire en cours.

Même si je suis de ceux qui ont un respect infini pour la culture générale et qui se lamente souvent sur son absence dans la tête des étudiants, je ne partage pas tout à fait sa conclusion. Et là-dessus l’enquête de Statcan me donne un peu raison quand on la regarde en détail. Comparons les résultats selon les groupes d’âge :

Pour interpréter ces données disons que des résultats dans les niveaux 1 et 2 de compétences témoigne de sérieuses difficultés à tirer parti des informations d’un texte alors que les nivaux supérieurs sont acceptables ou très bien. On constate bien que les 65 ans et plus au Québec sont à la queue alors que les jeunes québécois (16-25 ans) sont au contraire dans le peloton de tête. Or pourtant les 65 et plus ont bénéficié des bonnes vieilles méthodes. Bien sûr qu’en vieillissant on oublie. Mais ce qu’on néglige souvent de rappeler dans ce débat c’est que les bons vieux collèges classiques ne formaient qu’une petite élite et que jusque dans les années 1960 les bonnes vieilles méthodes produisaient 20% de gens qui ne savaient ni lire ni écrire. Ou qui l’oubliaient faute de pratique.

Est-ce à dire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Non. Les seules données sur le décrochage scolaire suffisent à inquiéter. Est-ce à dire qu’il faut revenir aux bonnes vieilles méthodes ? Non plus. Le monde a changé l’école doit suivre aussi. Comme Foglia, je regrette son tournant utilitariste. Mais je constate hélas trop souvent qu’il répond non pas tant aux dictats du marché qu’à la volonté des jeunes eux-mêmes qui ne veulent pas perdre leur temps à apprendre des choses inutiles. Alors qu’ils savent tout de la mode et des exploits sportifs.

Elle a bon dos, la réforme scolaire. Elle est certes défendue par des pédagogues jargonnants comme tous les spécialistes. Mais si, par exemple, on comprend le jargon sportif, c’est peut-être parce que les médias s’y intéressent plus qu’à l’éducation. Combien de journalistes couvrent le sport, combien l’éducation ? Et si ces journalistes qui couvrent l’éducation sont incapables de comprendre le jargon du domaine, sinon pour en rire, que penser de leur compétence ?

Je ne sais pas si la réforme en cours donnera de bons résultats. Elle aura peut-être le mérite d’obliger le monde scolaire à revoir ses pratiques, ce qui n’est pas mauvais. Mais dans un monde où le fric, la bonne bouffe, la santé et le paraître dominent je ne suis pas sûr qu’une tête bien faite serve encore à quelque chose.

En tout cas pas à gagner Star Académie.

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