27 avril 2010

Un autre sacre du printemps.

Dans la série à la recherche du printemps québécois, c'est une chanson que Éric Lapointe a bien défendue. La voici en version originale, avant que Richard Desjardins ne devienne lui-même. Abbittibbi première version, qualité vinyle, vidéo inexistante. Pas le chanteur.

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22 avril 2010

Le sacre

Le sacre du printemps est une de mes chansons préférées. Cette version est géniale. Boulez avec des chevaux !

17 avril 2010

Un nouveau carnet

Ceux qui me connaissent savent que j'aime jardiner. C'est à mon sens un des gestes les plus inutiles et par là gratuits que l'on peut faire pour améliorer le monde où l'on vit. Il y en a de plus importants, c'est sûr, et le jardinage n'est jamais tout à fait exempt d'orgueil. Mais bon, depuis que tout petit ma mère m'a montré la magie qu'il y a à semer, planter et sarcler, je n'ai jamais arrêté de le faire.

C'est pourquoi j'ai décidé de m'ouvrir un nouveau blogue consacré à l'air du temps et à mon jardinage. Ce sera un blogue saisonnier, le chalet d'été de l'esprit chaouin, que je conserve évidemment.

Bienvenue donc au carnet du jardin, que je dédie spécialement à Carole et Gérald, mes plus anciens lecteurs et amis des fleurs par surcroît.


13 avril 2010

Chartrand


Il y a presque 30 ans, je travaillais avec un vieux menuisier dans une jobbine de chômage entre deux sessions à l’université. Un midi, Michel Chartrand est l’invité de la radio AM locale. Mon menuisier se tait, écoute religieusement. Chartrand parle fort. Il va jusqu’à dire l’indisable en Estrie. Il faut oublier l’amiante, fermer les mines et se replier vers la sylviculture. Mon menuisier opine, même s’il vient d’Asbestos.


À la fin de l’émission il me dit que Chartrand et Réal Caouette sont les seuls hommes politiques qu’il aime et écoute. Les autres racontent n’importe quoi. Je suis perplexe. Comment mette à égalité la droite crédististe et la gauche syndicale. Oui, deux populistes, mais encore ?


***


Cinq ou six ans plus tard, je travaille à la radio communautaire et j’ai une entrevue avec Chartrand. Je suis nerveux. C’est que c’est un personnage intimidant, ombrageux parfois. Il entre en studio de production, avise un disque de Pablo Casals qui traîne et s’exclame qu’on a tort d’en faire un musicien baroque, il est à son goût meilleur dans le romantique. Il est gentil, simple, demande un café, insiste pour que nous le partagions, sort son flasque de rhum (du cubain précise-t’il) et en verse une rasade dans nos tasses. L’entrevue peut commencer.


Je ne me souviens plus si j’ai posé plus qu’une question. Tout y est passé. Des infirmières qui se brisent le dos à manipuler les alités, aux médecins incapables de défendre les accidentés du travail, aux gouvernements qui n’écoutent que les riches. Tout ça avec les trucs du fort en gueule mais aussi cette tendresse profonde pour les humains d’où naissait sa colère.


Un homme droit, sans concession qui agaçait l’éternel temporisateur que je suis. Parce qu’il nous ramène aux idéaux.


On les oublie trop souvent. Il était la pour les rappeler.

Merci camarade

9 avril 2010

Allume l'ordi on va écouter de la radio

En cherchant des choses sur le prochain Duteurtre, je suis tombé sur une chouette émission de France Inter, station peu diffusée au Québec. Je ne juge pas du reste de la programmation mais cette émission, c'est de la vraie radio, qui parle au lieu de hurler avec les loups en accompagnant les pubs. Et comme le livre de Benoît Duteurtre porte sur le retour du général de Gaulle en France (à 120 ans), c'est assez génial comme contenu.

Voici donc un lien vers l'émission du 22 mars de l'Humeur vagabonde animée par Kathleen Evin* un certain 22 mars 2010 sur France Inter.

C'est si rare de la radio qui ne ressemble pas à de la télé.


* Drôle comme elle a un peu la même voix que Samantha dans Ma sorcière bien aimée

6 avril 2010

Une belle fin de semaine.

Les derniers jours ont été magiques. Mon infirmière de mère m'ayant dispensé des festivités pascales pour cause de maladie, j'en ai été quitte pour me défouler dans le jardin. J'y perds le souper familial et la tarte au sirop d'érable (une vraie, sans cassonade) mais je me reprendrai d'ici mai. J'y gagne de l'avance dans mes corrections et surtout au jardin que j'ai dégagé de sa gangue hivernale. En voici la partie arrière jeudi:

En voilà l'état tantôt:

Entre ces deux images, trois gros bacs roulants bruns remplis, des journées exceptionnelles et des plantes qui se réveillent rapidement. En fait, il faisait même trop chaud pour jardiner samedi (29° !), si bien qu'on a plutôt fêté l'anniversaire du locataire. Et aujourd'hui petite touche finale, quelques projecteurs solaires pour l'illumination nocturne. Ces petites lampes à diodes donnent un bel éclairage lunaire.

Mais de mémoire de jardinier je n'ai jamais vu printemps si hâtif. Tous les arbustes sont en bourgeons, les vivaces (même les hostas!) se pointent partout et mes semis ne sont pas encore faits. On en vient même à penser qu'heureusement les prochains jours s'annoncent plus frais et pluvieux pour ralentir cette explosion. C'est que le temps trop chaud est dur pour les crocus déjà presque fanés.

Et le boulot est recommencé aussi, mais ça fait du bien au moral de voir tout ça pousser.

5 avril 2010

Kropotkine à l'urgence



Mardi soir dernier j’avais cette drôle de sensation d’avoir la joue gelée, une sorte d’anasthésie locale comme si je sortais de chez le dentiste. Le lendemain, buvant mon café, je me rends compte que le coté droit de la bouche ne fonctionne pas très bien rendant aléatoire l’étanchéité propice à ce rituel matinal. Personne à risque que je suis, je soupçonne vaguement un ACV, mais vérification faite, peu probable et de toutes façons je ne peux pas annuler le cours que je donne à l'université.


Après une journée inquiète, retour à la maison, souper et toujours préoccupé, je téléphone à info-santé où on me conseille de me pointer à l'urgence mon cas étant trop douteux. J'avise le locataire ami qui s'offre à m'y reconduire et armé de bouquins, je me pointe à l'hôpital du centre-ville. On vient d'y ajouter un aile comprenant une urgence toute neuve. (La rumeur sherbrookoise veut que les travaux en aient étés savamment planifiés en fonction des échéances électorales de notre illustre député provincial chauffeur de machines gouvernementales)


Il est 19h30 quand je mets le pied à l'urgence. C'est froid, technique et par une belle journée la salle d'attente est peu encombrée; une quinzaine de cas ? Au tri, on ramasse ma carte santé, ma carte d'hôpital on me questionne. Finalement, on me cote 3 pour cause de diabète, donc électrocardiogramme rapide et si rien d'anormal, je suis rabaissé à la cote 5 donc pas urgent.


Une heure plus tard, électrocardiogramme fait, je retourne à la salle d'attente. Il y a là une soixantaine de chaises en rangées de dix bien fixées au sol. La plupart donnent sur des télés branchées sur Canal Vie (!). Il y a des enfants fiévreux et leurs parents, des jeunes un peu éclopés, des habitués aussi qui ont le visage de gens qui n'ont rien d'autre à faire que d'être malades. Une vieille dame au beau visage qui peine à se déplacer sur sa chaise roulante. Je l'aiderai quelquefois.


Je me plonge dans la biographie de Pierre Kropotkine achetée pas cher à la coop de l'université. Au cégep, j'avais fréquenté un peu l'oeuvre de ce prince russe théoricien de l'anarchisme et excellent géographe, j'étais donc curieux de savoir comment on passe de prince russe à rebelle articulé.


Le livre est écrit dans le style plat des camarades qui ne veulent pas trop monter leur sympathie et qui, ce faisant, la hurlent. Je ne le résumerai pas ici. Mais Dieu que cette Russie du 19e était répressive, régressive et pourtant en même temps souterrainnement grouillante d'idées neuves, d'une culture époustouflante chez ses élites.


10h 30. Kropotkine termine brilamment ses études militaires, il est même choisi aide de camp personnel du Tsar Alexandre II qu'il côtoirera quotidiennement pendant un an. Je sors fumer une clope sur le parvis de l'urgence où l’on a soigneusement peinte la ligne des 9 mètres au delà de laquelle il est permis de contrevenir à la doxa de la Santé. Je jase avec un beau grand gars de six pieds cinq en chaise roulante. Quelques vertèbres broyées. Accident de 4 roues. Il déparalyse un peu mais ne sait pas si. Je l’encourage. Mais dans ma tête je trouve ça triste. J’espère pour lui.


Minuit. Refusant une carrière à la Cour Kropotkine va commander un régiment de cosaques à l’extrême est de la Sibérie. Il explore la région de l’Amour et les montagnes à l’est du lac Baikal. Derrière moi un jeune père latino et son enfant malade s’agitent en attendant de passer. On leur donne une couverture, l’enfant s’endort le père aussi. Ensemble, ils font une belle Piéta masculine.


1h30 Kropotkine est en prison à saint Pétersbourg pour ses idées politiques. Le latino et son fils sont partis après avoir rencontré une infirmière. Il ne reste presque plus personne. La vielle dame en chaise roulante est disparue après quelques examens. On la garde. Je commence à cogner des clous. Je m,enquiers de mon sort on me dit de patienter, un nouveau médecin va s’occuper de moi.


2h30 Trop endormi pour lire attentivement (suis levé depuis 5h du mat) je pigrasse dans la bio de Kropotkine. J’aime bien ses idées sur l’organisation humaine qui ressemblent étrangement à celles des granos contemporains : agriculture locale, simplicité volontaire avant la mode... Je fume une clope dehors il y a un gars saoul qui parle fort.


2h45 On m’appelle enfin. Suis assez zombie. Le médecin m’examine soigneusement m’ausculte teste mes réflexes ne voit rien de grave pense que j’ai une paralysie de Bell, maladie dont on ne sait la cause mais plus bénigne qu’un ACV. On me gardera sous observation quand même le temps de faire les examens. On me pose un bracelet de plastique, me donne une jaquette on m’installe sur une civière et je pars.


3h15 La salle des radios est dans la partie en réaménagement de l’hôpital, impression d’une zone abandonnée après la rutilante nouvelle aile. On me scanne la tête, on me radiographie aussi les poumons, je vois pas le rapport mais bon je fume alors on est toujours une cancéreux en devenir. Et tant qu’à être là...


4h30 Le doc confirme rien de grave mais on me garde sous observation dans une salle d’évaluation, une sorte de cabine vitrée où l’on me branche à un moniteur cardiaque. Je finis par tomber d’un sommeil entrecoupé par le ménage et le babil bu personnel de garde.


7h30 Un nouveau médecin tout guilleret me répète ce que j’ai entendu un peu plus tôt, le neurologue va passer. Ensuite, le plateau déjeuner (miam! du gruau ! j’aime ça) accompagné de mes médicaments ordinaires, ils y ont pensé, sont vraiment efficaces.


9h00 Visite du neurologue qui me refait le même topo que les médecins précédents, on ne sait pas la cause de cette maladie, on croit que c’est viral mais ça part généralement tout seul mais bon on vous prescrit de la cortisone, un antiviral et une pilule pour faire passer tout ça parce que c’est dur sur le système digestif. Il me signe les prescriptions, on me redonne ma carte d’hôpital, je suis libre. Il est 9h30.


Cinq jours plus tard, mon état n’a pas tellement changé. je bouffe mes pilules. Globalement, je n’ai pas eu à me plaindre sinon du manque de médecins qui m’a fait poireauter à l’urgence. Les gens sont gentils, les soins de qualité. Dans la salle, les gens s’entraidaient spontanément ce qui aurait conforté Kropotkine. Il aurait aussi constaté, comme moi, que l’un des problèmes de ce système vient de l’autoritarisme incarné par les savoirs étroitement hiérarchisés et défendus bec et ongles par les corporations professionnelles. Cette somme de règles nuit parfois.


Mais bon on ne rigole pas avec la santé.

D’ailleurs je prends un traitement que je sais fort probablement inutile et coûteux.

Au cas où.


Il faudra que je relise Kropotkine.


3 avril 2010

Le printemps n'existe pas


Ils sont bien braves ces crocus. Leurs hampes florales étaient prêtes depuis presque deux semaines. Puis il y a eu beaucoup de pluie, de la neige, un moins 17 cette semaine et maintenant 26°.

C’est que le printemps québécois n’existe pas. La chose est connue depuis depuis longtemps : Voici ce qu’en disait Pierre Boucher dans son Histoire Véritable et Natvrelle des Mœvrs et et Prodvctions de la Novvelle France parue en 1664 :

Puisque ie suis tombé sur l'Hyuer, ie diray vn petit mot en passant des saisons : on n'en compte proprement que deux, car nous passons tout d'vn coup d'vn grand froid à vn grand chaud, et d'vn grand chaud à vn grand froid ; c'est pourquoy on ne parle que par Hyuer et Esté. L'Hyuer commence incontinent après la Toussaints ; c'est à dire les gelées et quelque tems après les neiges viennent, qui demeurent sur la terre, iusques enuiron le quinzième d'Avril pour l'ordinaire : car quelques fois elles sont fondues plus tost, quelques fois aussi plus tard ; mais d'ordinaire c'est dans le seizième que. la terre se trouve libre et en estât de pousser les plantes et d'estre labourée.

Dés le commencement de May, les chaleurs sont extrêmement grandes, et on ne diroit pas que nous sortons d'vn grand Hyuer : cela fait que tout auance, et que l'on void en moins de rien la terre parée d'vn beau verd ; et en effet, cela est admirable de voir que le bled qu'on seme dans la fin d'Auril, et iusques au vingtième de May, s'y recueille dans le mois de Septembre et est parfaitement beau et bon : et, ainsi, toutes les autres choses auancent à proportion ; car nous voyons que les choux pommez, qui se sement icy au commencement de May, se replantent dans le vingt ou uingt-quatrième de luin, se recueillent à la fin d'Octobre, et ont des pommes qui pezent quinze à seize liures.

Pour l'Hyuer, quoy qu'il dure cinq mois et que la terre y soit couuerte de neiges, et que pendant ce teins le froid y soit vn peu aspre, En verité, les neiges sont icy moins importunes que ne sont les boues en France. (...) Les saisons ne sont pas égales par tout le Pays : aux Trois-Riuieres, il y a prés d'vn mois moins d'Hyuer ; au Mont-Royal, enuiron six semaines ; et chez les Iroquois, il n'y a qu'enuiron vn mois d'Hyuer. Quebec, quoy que moins fauorable pour les saisons et pour l'aspect du lieu (1) qui n'a pas tant d'agrément, a, toute fois, un très-grand auantage à cause du nombre d'Habitans, et qu'il est l'abord des nauires qui viennent de France.

***

Le grand géographe français Raoul Blanchard est formel : « Les charmes printaniers n'ont rien à faire ici; cette saison de renouveau est la plus désagréable de l'année. Gelées violentes, brusque dégels bourrasques de neige averses verglas se succèdent avec rapidité.» Parlant de mars: «Les cabrioles de températures sont extravagantes En mars 1938, le poste de Doucet à l'extrême Est de l'Abitibi a enregistré des extrêmes de -48°F (-43° C) et + 62° F (16 °C) un infernal mélange de tiédeur et de froids terrifiants ». Passons au mois suivant : « Or avril n'est guère mieux partagé : sa moyenne reste basse (...) et elle dissimule les sautes les plus brutales ». Et Blanchard de dire que le printemps n'existe qu'en mai. Il conclut: « Au fond, le printemps canadien est un hiver honteux. » (Blanchard, R. 1960. Le Canada-Français, Fayard, Montréal pp. 34-35)

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Il faut admettre que l'hiver peureux qu'on a eu s'est peut-être en allé. Tout est question d'oscillation Nord Atlantique, d'anticyclone des Bermudes et d'El Nino, évidemment. Le jardinier lui profite du temps doux qui passe pour désencabanner le jardin. Que ça fait plaisir de jouer dans la terre, de mieux connaître ce jardin que ma locataire en allée a créé. Je vais le mettre tranquillement à ma main, connaître les plantes une à une, les bichonner et ne pas oublier de les regarder souvent et longtemps.

Et note à Laurent si en profiter pendant que ça passe est peut être du vieux fond catho, c’est avant tout climatologique.


(1) Premier cas de dénigrement de la belle ville de Québec, on y remédiera en faisant appel à Jean Talon. Heureusement son CV n’était pas trafiqué. Louis XIV savait choisir ses consultants.