26 janvier 2008

Un rêve ?

Ouf, première semaine terminée. Bon premier contact avec les groupes du cégep, les groupes universitaires ronronnent bien. Les semaines seront longues, le vieux que je deviens tranquillement devra faire gaffe. Pour le moment je compte bien reprendre la stratégie dite de la piscine qui consiste à aller barboter trois fois par semaine dans la soupe au chlore de l’université. Je l’ai fait il y a quelques années et j’aurais presque pu faire une pub sur les joies de l’exercice, moi qui ai tout fait pour sécher mes cours d’éducation physique au secondaire et au cégep. Mes vieux chums du secondaire qui me lisent pourront en mesurer l’ironie. Mais bon je ne me sens pas si vieux, juste mature comme on dit dans les chats gais ;-)

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Ces mois intensifs d’édification de la jeunesse, comme on dit à l’Université de Napierville, me font remonter de vieux phantasmes d’écrivage. Non pas littéraires, je n’en ai pas le talent ni le génie, mais bien platement de l’ordre du manuel scolaire. C’est quand même étrange qu’il n’y ait pas eu de synthèse potable de géographie du Québec depuis le Canada-Français de Raoul Blanchard. Certes il y a eu plein d’ouvrages universitaires fondamentaux comme ceux de Courville ou de Ritchot mais rien entre ça et les beaux livres d’images de Dorion ou des autres.

Et c’est je pense un des problèmes de la géographie que de ne pas savoir rejoindre ce qu’on appelle le grand public. D’une part, les universitaires ne s’y risquent que peu et la chose n’est de toutes façons pas tellement bien vue des subventionneurs de recherches. D’autre part, l’efficacité de ce genre de sport oblige à bien des raccourcis peu conformes aux civilités et renvois d’ascenseurs en vigueur chez les académiques. Au mieux, cela finit par un collage de contributions disparates sous une direction plus ou moins prestigieuse. Sans l’unité de ton qui mettait Blanchard au ciel d’un écrivain comme Ferron.

Je rêve souvent d’écrire ce livre mais c’est de l’ouvrage.

En plus, je n’ai jamais mis les pieds ni dans le Grand Nord, ni au Lac Saint-Jean et encore moins en Abitibi.

Et je n’ai même pas de permis de conduire.

Mais ça occuperait mes étés.

19 janvier 2008

Interlude

Comme je n'ai pas trop le temps d'écrire, laissons la parole à d'autres. On le sait, beaucoup d'écrivains s'essaient parfois à la chanson. Voici donc celle d'un réputé écrivain québécois, intellectuel distingué et bonze de l'édition contemporaine.
Je parle évidemment de M. Jacques Godbout.



Et le pire, c'est que c'est bon, merci aux Cyniques et à la musique de François Dompierre.

Addenda: C'est une extraIt d'IXE-13, étrange film dudit Godbout. On y entend Serge Grenier, dans le rôle de Gisèle, Marc Laurendeau dans le rôle du journaliste, qui sera déterminant dans sa carrière, André Dubois en IXE-13, l'as des espions canadiens, et finalement son comparse Marius (Marcel Saint-Germain), dont le grand air «Faites de l'air, ca sent l'ail !» trahit l'origine française.



Quand même le brave canadien-français et son faire-valoir français, j'aime bien.

Au second degré.

Au premier, Jean Layette a eu la brillante idée de bloguer les vrais épisodes qu'écrivait Pierre Dagenais.

Je m'y plonge

13 janvier 2008

Chez ailleurs

Remises les notes, la dernière session est finie. Commence l’autre. La nouvelle, la grosse. J’ai une vieille coutume de souligner la chose en me payant un livre rêvé. C’est fait. La mesure d’un continent est à la hauteur de mes espérances. C’est un recueil de cartes anciennes qui illustrent la découverte de l’Amérique du Nord par les Européens. Voilà un livre dans lequel le géographe que je suis va se perdre joyeusement. Les cartes sont soigneusement présentées par Denis Vaugeois, historien connu, bon vulgarisateur, qui a en plus le mérite de ne jamais oublier les amérindiens qui sont dans le blanc des cartes. Raymonde Litalien ajoute son savoir archivistique et sait mettre en contexte la production de ces précieux documents.

La carte de Champlain (1632)

Le troisième larron du trio s’appelle Jean-François Palomino. C’est un historien de la cartographie. À ce titre, madame Bissonnette a eu la bonne idée de l’embaucher comme cartothécaire de sa Grande Bibliothèque. Ce qui m’amène à une des beautés de la chose. La plupart de ces cartes sont disponibles dans les collections numériques de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ). J’ai déjà louangé ce site et il est encore meilleur, puisqu’on y a ajouté beaucoup de cartes topographiques d’avant 1950 et les plans dits d’assurance incendie de beaucoup de villes et villages du Québec. Ce sont des plans très détaillés, jugez plutôt :

Le carré Strathcona à Sherbrooke en 1907

Malheureusement, l’outil de visionnement en flash ne permet pas de les copier dans l’ordi, sauf par capture d’écran. Mais bon doit sûrement y avoir un truc, merci de me le dire.

***

Maintenant, quelques provisions pour la route. Parce que vous avez été gâtés ces derniers jours, j’ai presque autant écrit que dans les derniers mois. ( Rien de mieux qu’une épaisse pile de travaux à corriger pour faire autre chose). J’ajoute quelques liens vers d’autres blogues pour ceux qui seront déçus de ne rien trouver de neuf ici. J’ai commencé le Léon Coco et Mulligan de Christian Mistral. J’aime bien Mistral, son style ample presque classique ses envolées. Or voilà qu’il reblogue. Mieux encore, nous avons en commun un certain antimartinisme. Content de le relire en blogosphère.

De chez Mistral, j’ai rebondi vers un écrivain que je ne connais pas et que je me promets de lire : Éric McComber. Son blogue de voyage fait rêver, son crachoir cauchemarder, mais que c’est bien écrit ! Pour faire bonne mesure, j’ajoute Badsuck, qui commente ici des fois mais il a tellement de pages qu’on ne sait où pointer. Et enfin deux amis, Michel (musiblog-qc) à qui je dois le sauvetage héroique de mon portable dans les détours de tous les boulevards Taschereau de la rive sud et les zones grises de Sébastien de retour en ses terres gaspésiennes.

Bon. Me reste deux power point à monter, un cours à planifier, des photocopies à faire.

Et en plus, il fait beau.



12 janvier 2008

Insomnie Blues

Levé à 4h du matin sans envie de dormir, la pizza de la veille y étant peut être pour quelque chose. Petite tournée de blogues et d’actualités. Une chanson me trotte dans la tête, Insomnie Blues de Pauline Julien. Et tiens, si je m’essayais à la mettre dans mon blogue. Longue recherche. Finalement trouvé comment dans Tips for new bloggers, en anglais, mais parfait pour une cybernouille comme moi. Essai donc.





Sursauté en voyant la une de mon quotidien préféré portant sur les joies de la méditation. Commencé immédiatement une méditation sombre sur le nouvel-âgisme du Devoir qui commence sérieusement à me taper sur les nerfs. Non content de nous infliger une page de Josée Blanchette tous les vendredis, les sermons végétano-puristes de Fabien Deglise voilà qu'on ne trouve rien de mieux pour la une du samedi de ce quotidien qui se prend au sérieux.

En y pensant plus, passer du catholicisme rigoriste d'Henri Bourassa à celui plus ouvert de Claude Ryan pour finir dans le Nouvel-âge, c'est bien refléter la société québécoise.

Hélas.

9 janvier 2008

Contrôle d'image ?

C'est drôle, quand je cherche You Tube sur Google, j'arrive ici.

La première image que l'on voit, c'est celle d'un gars à l'air chaudasse qui a parlé poutine avec l'éponyme.

Je sais pas si ça marche en France ?

7 janvier 2008

Les gens de rien

Intéressante réflexion de VLB dans Le Devoir de ce matin:

«Les intellectuels de gauche et, au tout premier chef, les journalistes, n'ont pas cessé durant la campagne électorale de mars dernier de claironner que les adéquistes étaient des gens de rien, des ignares et des illettrés. C'était peut-être le cas, mais c'était oublier que ces gens de rien, ces ignares et ces illettrés avaient par deux fois dit oui à des référendums sur la souveraineté; et c'était oublier aussi que sans ces gens de rien, ces ignares et ces illettrés, le Parti québécois n'aurait jamais exercé le pouvoir. C'était oublier surtout que le seul projet collectif qui intéressait et intéresse toujours les Québécois, donc aussi les gens de rien, les ignares et les illettrés, est la souveraineté.»

J'ai beaucoup parlé dans ce blogue de ce Québec tranquille, assez à droite que les Têtes à claques font rire. On leur prête souvent, à raison, un sentiment anti-intellectuel diffus ou exalté. Mais n'empêche que VLB m'amène à me poser une bonne question : ce sentiment ne viendrait-il pas aussi d'une certain mépris des intellectuels envers cette classe qui n'a pas les mots pour s'exprimer ou nuancer sa pensée ? Pensez simplement aux sourires en coin des médiatiques qui accueillaient certaines interventions à la commission Bouchard - Taylor. Ou encore à ce sketch (bien drôle quand même) du Bye bye de RBO sur Héroutyville.

Tout ça pour dire qu'il y a là un dialogue ou des ponts qui sont rompus entre les élites politico-médiatiques satisfaites d'elles-mêmes et une masse de gens plus ou moins indifférents repliés sur l'ordinaire du monde. Ils ne demandent portant qu'à être écoutés.

Quitte à en prendre et en laisser.

6 janvier 2008

Jardin d'hiver


Dédié à la fidèle Carole

Chose promise, chose due. (Après deux jours à chercher le fil de ma caméra). Voilà ce que je vois de ma fenêtre de salon. Évidemment j'ai cadré surtout le centre-ville. Derrière le plus gros arbre, on voit le chevet de la cathédrale, encore plus beau la nuit quand il est illuminé. À sa droite la tour et les bâtiments de brique du Séminaire. À son pied, on devine le dôme de l'ancien palais de justice devenu hötel de ville.

Et vous, que voyez-vous de la fenêtre où vous bloguez ?

5 janvier 2008

Il y a boomer et boomer

Yen a marre de mettre tout sur le dos des boomers, j'en suis un.

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La génération du babyboom correspond, en gros, aux gens nés entre 1945 et 1965. Mais il faut distinguer. Effectivement la première vague (45-55) a largement profité des emplois liés entre autres à l'expansion des systèmes de santé et d'éducation, et en général de la prospérité d'après guerre. Ce seront, hélas, parfois nos profs. Ceux qui ont remplacé le cours classique par le programme cadre de français. Privilégié l’expression plutôt que la grammaire bourgeoise au service de la classe dominante.

Mais la deuxième vague (la mienne) arrive sur le marché du travail entre 1975 et 1985, au moment où tous les postes sont comblés et où on tombe en récession. Vous souvenez-vous des hypothèques à 16 % ? Des affiches on n’accepte pas les CV dans les portes des entreprises ? J’ai le souvenir de navigations hasardeuses entre le chômage, la job subventionnée dans du communautaire (en général fondé par des boomers première cuvée), en attendant de retourner sur le chômage pour avoir droit à un autre emploi temporaire. On en a gardé disons une habitude de la précarité.

Cela est expliqué fort sérieusement par François Ricard (boomer première cuvée) dans La Génération lyrique et sur un ton plus cynique et drôle dans le Manifeste de l'acceptation globale de François Benoit et Philippe Chauveau (boomers seconde cuvée).

Tout ça pour dire que le boomer comme bouc émissaire est un de ces raccourcis démagogiques qui me tombent sur la tomate.

Laissons à M.M. Dumont et Martineau leur fond de commerce.


P.S. Je modifie ici un commentaire laissé sur le blogue de Maphto, Considérations intempestives. Malgré cette rare bourde, j'aime bien le lire, il est curieux et fait réfléchir. La philo est une arme dangereuse et il la manie bien. Ah la jeunesse!


2 janvier 2008

L'oeil de Gracq

Moins douze, une petite neige cache le paysage que j’ai devant moi. Le cèdre du voisin, engoncé sous une coupole de neige ressemble à un gros cornet de crème glacée. Il faut dire que depuis quelques mois, je travaille de plus en plus au salon, le bureau étant parfois squatté par les colocs que j’héberge. Et j’en suis bien heureux. J’y découvre un panorama que les arbres cachent l’été. La vue du centre-ville qu’on a d’ici est une des plus belles qu’on puisse avoir de Sherbrooke. C’est mon jardin d’hiver. Je vous en promet une photo quand le temps se sera dégagé.

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« Tant de mains pour transformer ce monde, et si peu de regards pour le contempler ! » La phrase est de Julien Gracq, mort peu avant Noël. Je l’ai trouvée dans le blogue de Pierre Assouline. Je m’en voulais un peu de ne pas saluer la mémoire d’un de mes écrivains préférés. Cette courte phrase en dit long sur son œuvre. Julien Gracq, sous le nom de Louis Poirier, était géographe de formation ; elle traduit bien un des aspects que j’aime le plus de ses écrits, cette capacité à décrire le monde extérieur, les moments de beauté ordinaires ou merveilleux qu’on trouve dans ses Écrits du grand chemin, ses Lettrines et ailleurs dans ses essais et romans. Une langue très belle, précise, classique, pourtant jamais prétentieuse ou pédante. Hors du temps et des modes.

Jamais rééditée en poche, son œuvre se découvre dans des livres à l’ancienne dont on doit découper les pages. Cette attitude vient d’un certain refus de ce qui est devenu l’industrie du livre. Fidèle à ses idées, il avait d’ailleurs refusé le Goncourt en 1951 pour son admirable Rivage des Syrtes, roman par lequel je l’ai découvert. Puis j’ai lu La forme d’une ville, évocation du Nantes de ses études secondaires. C’est un livre qu’on rêverait d’écrire sur la relation qu’on a avec une ville. Et curieusement, il rejoint là une dimension nouvelle de la géographie, celle de l’espace vécu, celle alchimie par laquelle l’espace froid et mesurable se transforme en lieux habités, en territoires hantés par les souvenirs, les rapports sociaux ou le simple quotidien de la vie. D’ailleurs Armand Frémont, un premiers géographes à avoir travaillé cet aspect dans La région, espace vécu s’est lui aussi amusé à refaire les explorations de Gracq dans Le Havre de ses origines. Une histoire plus tragique, puisque sa ville est disparue sous les bombardements en 1944.

Dans les commentaires du blogue d’Assouline un imbécile considère que la phrase qui ouvre ce texte est élitiste, voire méprisante. J’y vois au contraire une invitation à mieux regarder le monde, à le savourer. Et peut être aussi à penser un peu avant de le transformer.

Peut-être que nos paysages contemporains seraient plus beaux.

Et ça changerait de la télé.


P.S. Le même Assouline rend compte du livre sur Joyce de notre VLB national. Lire les commentaires est assez savoureux...