23 mai 2006

Sherbrooke Urbain 2 : de la reine aux castors.

Après plus d’un an, reprenons cette chronique lâchement abandonnée.

1. Les castors sont de retour.

Il y a bien des années les Castors de Sherbrooke étaient l’équipe de hockey locale. Voilà t’y pas que leur mascotte sévit au centre-ville. Disons que de puis quelques années les berges des gorges de la rivière Magog souffrent d’un certain déboisement. Ainsi, finis les amélanchiers qui fleurissaient autrefois. (voir ancien blogue au 17 mai 2005)

Voilà maintenant qu’ils s’attaquent aux chênes :

Le castor urbain est un squatteur. Pas besoin de construire de barrage, Hydro Sherbrooke est là.

Quant à la hutte, un coin de berge suffit. Je ne sais pas pourquoi, mais j’imagine ce castor un peu punk.

Et je peux confirmer que la bête est bien là. Comme je montrais la hutte à un ami, celui-ci, qui a un œil plus vif que le mien, a attiré mon attention sur deux petites oreilles qui traversaient la rivière. Castor bien confirmé donc, par ce genre de soir où on regrette de ne pas traîner la caméra. Beau problème en vue pour les écolos : doit-on privilégier la vie sauvage ou les arbres ? Et qu’importent les jérémiades des amis des bêtes, je pense que le métier de trappeur urbain a de l’avenir. Cet ami a vu un vison dans cette rivière, moi j'y ai vu une loutre et il y a des rats musqués en quantité. De quoi se faire un petit manteau ?

2 Sherbrooke plus reine que jamais.

Autrefois Sherbrooke était surnommée reine des Cantons. Depuis la fusion, le slogan est devenu Sherbrooke plus que jamais. Voilà que l’harmonisation des noms de rue des villes fusionnées crée une intersection hyper royaliste :

Ce coin de rue est situé juste en haut de la rue King, évidemment. Notez au passage à quel point les nouveaux panneaux de rue sont moches.

Pour l’anecdote, disons que le comité de toponymie avait plutôt prévu renommer cette rue René Lévesque mais quelques vieux anglos qui l’habitent s’y sont opposés. On se demande pourquoi. Et on ne se demande pas pourquoi notre maire ultrafédéraliste a préféré plier.

C’est vrai que nous sommes au royaume de Jean Charest.

21 mai 2006

24 heures ou moins

Après une brève éclaircie, le temps est revenu à son aspect normal des derniers jours : pluvieux, venteux et frais. Le jardin était à son apogée printanière mardi dernier où j’ai pris cette image.

Depuis, je me suis réencabanné dans les livres. Continué d’explorer Marcel Aymé en dévorant Les tiroirs de l’inconnu, belle prescience de l’époque qui est la nôtre. Je m’attaque maintenant à l’histoire de la maison québécoise de Paul-Louis Martin, question d’enrichir la réécriture du mémoire.

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J’ai également eu le plaisir de recevoir un abonnement au service expérimental Cinéroute de l’ONF. On est loin d’avoir accès à tout leur riche catalogue, mais il y a de quoi meubler quelques journées pluvieuses. Ainsi, j'ai exploré les oeuvres de ce cinéaste mythique au Québec qu’est Gilles Groulx. C’est vraiment un cinéma d’auteur, étrange, expérimental mais pourtant prémonitoire.

J’ai revu son célèbre 24 heures ou plus, film militant tourné en 1971, censuré par l’ONF, qui en a retardé la sortie à 1976. Censure bien inefficace puisque je l’avais vu en vidéo au cégep avant sa sortie officielle. Le film m’avait marqué par sa qualité et sa vérité mais son ton gogauche m’avait agacé à l’époque, pris que j’étais dans les magouilles des groupuscules M-L, trotskystes et autres qui cherchaient à contrôler les associations étudiantes.

Revoir ce film trente ans plus tard, à tête reposée, m’en a fait encore plus apprécier ses qualités filmiques. Le montage est nerveux, l’alternance couleur/noir et blanc efficace. La musique du groupe Offenbach, planante. Quant au propos, le temps a fait son œuvre et on se rend compte que ce Québec du temps est loin de l’actuel. Voir Claude Beauchamp futur fondateur du groupe Transcontinental (Publisac, Les Affaires, etc.), délégué syndical CSN de La Presse s’en prendre à son patron Desmarais est ironique. Et est-ce bien Alain Dubuc qu’on voit opiner derrière Michel Chartrand ?

Bernard Derome est déjà là. Grand et bon témoignage d’une époque.

Sur le fond, on se rend compte que bien des réformes sur le droit du travail ont été faites. Que les problèmes de santé et sécurité au travail sont probablement moins épouvantables, remplacés par la précarité. Les tensions ouvrières de l’époque se sont aussi apaisées dans la concertation péquiste. Elles se sont noyées depuis dans la mondialisation. Je serais curieux de voir aujourd’hui en version comparée ce long plan séquence du début qui traverse, en train, le vieux quartier industriel du Sud-Ouest de Montréal. Que d’usines fermées ! Que de condos pour jeunes guerriers de la nouvelle économie en vue !

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Comment faire en 2006 le même portrait réaliste social de Groulx ? Il faudrait trouver un noble producteur du plateau, bien vu de la SODEC ou de Téléfilm Canada ou de tout autre subventionneur. Prévoir des pauses publicitaires pour le diffuseur télé. Gommer les scènes trop longues, trop réelles, pas assez glamour. Se faire accompagner d’un pédant médiatique. Abuser des gadgets techniques et des plans croches. En un mot, faire de la télé.

Normal. Elle est devenue la réalité.

13 mai 2006

Patrouillage

Petit après midi tranquille à relire Philippe Muray que j’aime toujours autant. Je me rends compte qu’on peut perdre facilement beaucoup de temps sur le net, surtout quand il pleut. Il y aurait d’ailleurs toute une recherche à faire sur la corrélation entre le temps qu’il fait et la fréquentation du ouèbe. Mes errances m’ont porté à patrouiller la réception française du film C.R.A.Z.Y.

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De ce que j’ai vu des blogues indexés par google, ce n’est pas si mal. Bien aimé le commentaire de Matoo qui prouve qu’entre le 93 et le 450 il n’y a pas toujours un océan. La meilleure talle de commentaires que j’aie lu est celle d’Allociné. Bonne compilation de presse et mes prédictions étaient pessimistes : comme je le pensais, Le Monde n’a pas aimé, mais, par contre, Télérama a adoré.

Les commentaires du public y sont élogieux, le film est même le plus apprécié des utilisateurs de ce site. En lisant les commentaires, on voit que l’histoire est bien comprise, que la bande son joue son effet. Le cas de l’accent est intéressant. Peut être le tiers des usagers du site en parlent, rarement pour s’en plaindre, parfois pour le pittoresque, ce qui est toujours un peu vexant. Mais on sent que ce n’était pas une mauvaise idée de sous-titrer une partie du film. Ce qui ne m’offusque pas du tout.

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J’ai eu une bonne discussion à ce sujet avec l’ami poète. Il y a, bien sûr, une question d’oreille. On est habitué ici au français standard pratiqué dans les médias écrits ou parlés. On est familiers à l’accent français parce qu’il est largement diffusé au Québec par les films, la télé, la chanson, etc. Et nos chanteuses prennent l’accent là-bas, ce qui est bien, puisque dans certains cas, elles ne sévissent plus ici.

Mais revenons à cette question d’accent. Le poète me faisait remarquer que c’est tout à fait normal qu’un français qui entend pour la première fois les sons matdirdekwa pense plus à un mot huron qu’au vieux français je vas te dire de quoi. C’est une forme de créolisation. Concept un peu colonialiste, prouvé par l’existence de Druon. Pourtant. Ça m’a pris pas mal de temps à comprendre ce que kiffer veut dire. Et je pigeais que dalle à mes premiers San Antonio. Dirait-on que la banlieue parisienne se créolise ? Possible. Le pauvre est toujours un colonial. Quelle que soit sa couleur. Certaines sont plus colonisées que d’autres.

Quoiqu’il en soit, au Québec la colonisation a une langue, mais ce n’est plus le français depuis 1763. Le francais y est une résistance. Et nous sommes trop riches pour être une colonie. Quoique. Ça dépend des quartiers.

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Lisant tout ça, je me suis posé une question existentielle. Pourquoi les français ne retiennent du Québec que le sacre tabarnak. C’est vrai que le mot est passé aussi en espagnol et sans doute dans quelques langues amérindiennes; mais ciboère, y’en a une ostie de calisse de gagne d’autres, viarge.

12 mai 2006

Doux printemps

L’avantage d’un blogue sur un jardin, c’est que les mauvaises herbes n’y poussent pas quand on le néglige. Il a tellement fait beau ces derniers jours que je me suis laissé aller à une douce farniente entre deux coups de jardinage. C’est la magie du printemps au Québec, on passe des bourgeons aux premières feuilles en une semaine ou presque. Et chaque jour de nouvelles fleurs au jardin, des plantes à transplanter, des boutures et des semis à faire. Journée douce encore aujourd’hui mais on sent la pluie qui vient et une bonne odeur de gazon coupé.

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Lu ces derniers jours La Jument verte de Marcel Aymé, que je rebaptiserais bien volontiers la France chaouine. J’aime bien cet auteur qui sait observer ses personnages avec amour mais non sans ironie. Lu aussi Le Goût de Monsieur, un des tomes de l’histoire de l’homosexualité masculine de Didier Godard. Au fond, sa thèse est simple, c’est le 19e siècle, la première moitié du 20e (et encore) qui sont les périodes les plus sombres dans ce domaine, puisqu’à la répression légale se sont ajoutées les répressions sociales, familiales ou psychologiques. L’interdiction des amours masculines en devient plus totale qu’avant. Et bien plus dangereuse aussi. Car elle tue beaucoup plus par suicides plutôt que par quelques rares bûchers de sodomites. C’est tellement plus discret.

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Pour le reste, j’attends mon chômage, je mijote sur le doc et médite sur le bouquin à tirer de ma maîtrise. Ce chantier s’ouvrira la semaine prochaine.

Surtout s’il pleut

Et les oies ? Demain.

6 mai 2006

Palindrone temporel: 06/05/06

Le blogueur que je suis est atteint du syndrome annuel des ongles noirs. Qui consiste tout simplement à passer plus de temps à guizounner au jardin qu’à s’asseoir devant un ordi. Je viens de passer quelques belles soirées à regarder le soleil jouer avec les bourgeons, l’herbe et les nouvelles pousses. On a tellement chanté les couleurs de l’automne qu’on en oublie qu’au printemps, si le spectacle est plus discret, il n’en est pas moins beau. Tout le plaisir du jardinage est dans sa contemplation.

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Visite aujourd’hui de ma sœur et de sa fille, qui s’inscrit en sciences pures à l’Université de Sherby. On a convenu que je lui louerai une chambre ce qui m’aidera à payer le loyer à court terme. Drôle de cohabitation en vue. Nous vivons sur des planètes différentes elle prototype de la nerds et moi plutôt bohème. Tant qu’à changer des habitudes, changeons les.

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Le Québec est décidément un territoire politique étrange. Voilà que Le Devoir propose par sondage interposé un mariage politique Lucien Bouchard/Mario Dumont. Qui ferait un tabac politique. Le gros bon sens au pouvoir. Cela prouve que le Québec – et avec lui bien d’autres sociétés politiques – se cherche encore un messie, même s’il a deux têtes. Deux hommes étrangers à leurs anciens partis. Deux assis entre deux chaises contre les deux chefs trop petits pour les leurs que sont Charest et Boisclair. Belle tablée! Et au menu: 140 ans de fiction canadienne, une constitution bien faisandée, du pétrole et de l’électricité. Au centre, une province prédatrice qui se prend pour le Canada mais dont le chef ne sait trop que faire, alors qu’un prince vaguement russo-anglo-québécois-harvardien torontois patiente dans l’antichambre pour l’exalter.

Le feuilleton continue.