25 mars 2006

Académie sans star

Malgré les nuages, on dirait que le printemps veut percer. Il ne reste plus de neige au jardin. Après le crachin du matin on a une belle éclaircie propice au ravitaillement à pied.

Une dent en moins depuis hier. Une dent en plus contre les dessous parfois peu reluisants de la vie universitaire.

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J’ai appris jeudi, par hasard, qu’un département voisin offre cet été un cours en tout point semblable à celui que je donnais depuis six ans. Le poste est attribué. J’aurais eu l’ancienneté mais trop tard, le concours est terminé. On aurait pu me prévenir. On ne l’a pas fait. On aurait pu prévenir mon département. Pas plus. C’est le genre de jambettes interdisciplinaires plus fréquentes qu’on ne le croit dans ce monde. On fait de grands discours sur l’intégration des chargés de cours. On en fait de plus grands encore sur la nécessaire interdisciplinarité. Mais le fric, l’administration sont prioritaires et la compétition pour les dollars par tête d’étudiant est plus féroce que les beaux principes.

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Par contre, ça a fait drôle de voir ma recherche reprise par un prof qui ne connaît pas le sujet. Il m’a bien crédité. De mon coté, je me rends compte que ce contenu est intéressant. Et il va me refiler les splendides diapos de la présentation. Faudrait bien que je me trouve un endroit où colloquiser la chose. Publish or perish qu’y disaient.

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Je me rends compte quand même que, tout précaire qu’il soit, le métier de chargé de cours a un grand avantage, celui de rester toujours un peu périphérique aux institutions. Je ne dépends pas des domaines de recherche et de la bureaucratie qui va avec. Je choisis mon sujet de doctorat pas parce qu’il est finançable mais parce qu’il m’intéresse. C’est une liberté rare de nos jours. Elle a un prix que j’assume.

Cela s’appelle la liberté académique.

L’argent l’enchaîne peut-être un peu trop aujourd’hui.

18 mars 2006

Métonymies toujours

Il fait aujourd’hui un froid coupant, un vent aigre sous des nuages indifférents qui crachent quelques maigres flocons. Comme si l’hiver doux se venge des sa faiblesse générale en s’éternisant. Un hiver louseur qui s’acharne malgré sa défaite inéluctable. Je suis sorti à peine pour faire quelques courses et j’ai gelé autant que par moins 25.

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Les choses commencent à se dessiner tranquillement. Je vais bientôt rencontrer une prof de l’UQTR pour explorer l’idée d’un doctorat en études québécoises. Je n’ai pas assez de travail ici alors passons à autre chose. Je me rends compte en peaufinant mon projet et sujet que ce sera un gros contrat. La démarche doit aussi être rare : entamer un doctorat à 47 ans est chose étrange. Je m’imaginais hier performer dans un séminaire avec des jeunes qui pourraient presque avoir l’âge des enfants que je n’ai pas eu. On verra bien sur place les modalités de la chose.

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Je compte quand même financer mes études en continuant mes rares charges de cours ici. C’est un métier que j’aime bien, la paye est presque bonne, même si je constate que l’intérêt pour la géographie reste fort limité dans mon propre département. J’ai même du dépanner un collègue trop dur scientifique pour savoir quoi dire à un raoût universitaire sur le développement durable. Je riais dans ma barbe de voir cet illustre défenseur des vraies sciences s’abaisser à aller chercher les lumières d’un humble humaniste, simple chargé de cours par surcroît. Je lui ai conseillé la lecture de mon mémoire J’espère qu’il lira la conclusion :

«Au début des années 1980, j’ai commencé mes études au département de géographie de la Faculté des Arts de l’Université de Sherbrooke. Je me suis inscrit en maîtrise à ce qui était devenu le Département de géographie et de télédétection de la Faculté des lettres et sciences humaines. Au moment d’écrire ces lignes (octobre 2003) ce département entend changer de nom pour en devenir un de géomatique appliquée. On n’en est pas encore à la faculté de gestion ou de génie social.

Il ne s’agit pas ici de contester ces changements. Ils sont cependant symptomatiques d’une époque en perte de sens. Si les mots veulent dire quelque chose on remarque une sorte de glissement métonymique dans l’appellation de mon propre département. On le sait, la métonymie consiste, à prendre l’objet pour le contenu et vice-versa. On peut donc se demander si toutes ces techniques qui nous permettent de mieux voir la terre ou de mieux en cartographier les éléments ne sont pas en train de devenir une fin elles-mêmes, quitte à faire l’économie de ce qu’elles sont supposées nous aider à voir.(…) On se demande si à force de s’acharner à maîtriser ces merveilleux instruments on n’oubliera pas un peu de se demander à quoi ils servent.
(...)
À l’heure de la société du spectacle, décrite par Debord (1996), des rencontres virtuelles par Internet, du cocooning, on peut se demander si on a encore besoin de toutes façons de la réalité. Le contenu est si peu important. (…).»

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Ajoutons que le dernier changement d’appellation de mon département survenait après des menaces de fermeture de la part d’un certain Pierre Reid, alors recteur de l’université.

Et dans le fond, ma théorie de la métonymie générale s’appliquerait bien au gouvernement dont il fait partie. En politique, la gestion d’image c’est ce qui compte de nos jours. Mais si on ne fait que ça, ça ne marche pas toujours. Heureusement.

Jean Charest en est la preuve.

Quoique.

15 mars 2006

Propos vides sur le néant

Jean Charest, c’est vraiment n’importe quoi. C’est un non-premier ministre. Une entité qui occupe une fonction question de faire marcher la machine. Non seulement son bureau est incapable de lui écrire un discours sans fautes, il n’est pas capable non plus d’y ajouter une once de contenu.

Je viens de relire le texte de ce soporifique discours inaugural et j’y vois en conclusion cette phrase clef : À la question nationale, nous allons proposer la richesse nationale. C’est tout Charest en une ligne. Cela ne veut tout simplement rien dire. Proposer la richesse nationale pour répondre à la question nationale ? Acheter le monde donc. À moins que ce ne soit un choix ? Ou l’indépendance ou la richesse. Pourtant le Québec est relativement plus pauvre que la moyenne canadienne. Et la province quémande à Ottawa. Pourrait-on dire qu’à la pauvreté fédérale on doit proposer la question fédérale ?

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Pas un mot sur la culture si ce n’est pour la figuration à l’UNESCO ; au moins, M. Charest ne s’aventure pas à parler de ce qu’il ne connaît pas. Et le développement durable. Ça pis la tarte aux pommes. C’est vrai que ça dure les condos dans les parcs nationaux.

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Dans tout discours Charestien revient toujours le mot leadership. C’est un refrain, une incantation. C’est tout à fait normal.

On fait des incantations pour demander ce qu’on n’a pas, c’est connu.

11 mars 2006

Ayoye

J’ai passé hier une des pires journées de ma vie. Depuis quelques jours une vieille carie se rappelait à mon souvenir. Et dans la nuit de jeudi à vendredi on sentait l’abcès grossir. Ouille. Ouille. Ouille. Et un cours à donner dans cet état. Aie. J’ai réussi à le faire mais j’étais complètement mort après. Malgré les anti-inflammatoires, la douleur est insupportable toute la journée, les muscles font mal. Rendez-vous d’urgence chez le dentiste qui ne peut faire mieux que de me prescrire des antibios en attendant l’extraction. Retour sous la pluie les jambes me font mal, la gencive hurle. Pas capable de rester debout plus qu’une heure. Pas capable de rien manger sauf des repas liquides en canne trop sucrés qui ravivent la douleur.


Nuit agitée nombreux réveils la douleur s’est atténuée mais ma joue est tellement gonflée ce matin que j’ai le sourire de Jean Chrétien.

Je connais quelqu’un qui va vedger toute la journée.

7 mars 2006

Souvenances et marche sur les eaux.

C’est donc avec mon vieil ami Daniel qui tient la caméra mieux que moi et qui a pris les photos que je suis retourné marcher sur les eaux du fleuve. Plus précisément sur le pont de glace qui relie la rive sud et les îles de Boucherville.


On est ici à peu près au milieu de ce bras du fleuve. Avec l’hiver assez doux que nous avions eu le pont ne s’est formé qu’au cours des dernières semaines et les grands vents ont soudé les glaçons pour former une surface chaotique que la neige a plus ou moins recouverte. Il restait encore des espaces libres de part et d’autre du pont, mais la glace semblait assez solide pour traverser. Comme sembler n’est pas suffisant pour nous, nous avons fait demi-tour.



On voit ici le village avec les toits de tôle de l’église, du couvent et du gros presbytère qui brillent au soleil. C’est l’archétype des vieux villages du Saint Laurent, un paysage emblématique du Québec. Il a failli être gâché complètement. Dans les années soixante, on prévoyait y prolonger sur la berge du fleuve l’autoroute 132 qui y a hélas été construite partout ailleurs sur la rive sud. Mon défunt père ingénieur qui travaillait pour la municipalité à l’époque s’y est opposé (avec beaucoup d’autres aussi) tant et si bien qu’on en a détourné le tracé. Son argument était imparable : à quoi ça sert de construire des échangeurs dont la moitié ne dessert que des canards ?

Voici la rue Saint-Charles qui était encore la rue commerçante du village quand j’étais jeune. Elle s’est assoupie depuis et les quelques commerces qui y restent ne sont que bons restos ou boutiques d’antiquités et d’artisanat. Depuis on en est à la troisième génération de centres d’achats. Et le plus ironique, c’est que la municipalité veut maintenant reconstruire une rue piétonne villageoise ailleurs, au milieu de cette mer de bungalows chics qu’est devenue ma lointaine banlieue du temps.

Et ça fait 25 ans que je l’ai quittée, après y avoir habité 20 ans. Voilà que je pourrais bien quitter Sherbrooke aussi. Le temps passe, les paysages restent. Mais se transforment.
Les humains suivent le cours du temps.

5 mars 2006

en banlieue

Je suis sur la rive sud de Montréal chez ma mère et ma sœur. De retour d’une ballade dans le village noyé dans une mer de bungalow. J’ai passé ici mon enfance et ma jeunesse, ça fait toujours étrange de revoir les traces anciennes. Le village s’est considérablement gentrifié et les petites maisons des journaliers pauvres sont devenues coquettes. Et il y a le fleuve Saint-Laurent sur lequel j’ai marché un peu. Un pont de glace le relie aux iles. Je n’ai pas eu le courage de traverser, il y avait encore un petit vent frais mais je me promets de le faire d’ici la fin de mon séjour.
En empruntant l’appareil photo de ma sœur, question de vous en faire profiter.
Sinon rien à signaler de neuf, on attend des nouvelles